Cotonou, le 22 février

La nuit porte conseil. Elle me révèle combien il y a méprise sur notre mission. Les Béninois, s’ils n’ont pas réservé la salle de formation, s’ils n’ont pas convié les médias, s’ils n’ont pas préparé la cérémonie de ce soir, s’attendaient sans doute à ce que tout cela soit payé rubis sur l’ongle par la FISF. L’ambition de leur programme, qu’ils ne sont pas en mesure de prendre en charge  eux-mêmes, tient au fait qu’ils devaient être certains que nous mettrions à chaque évènement la main au porte monnaie. Lorsque nous avons avant-hier visité la salle de formation, ils s’attendaient sans doute à ce que l’on passe la commande !

Je comprends mieux maintenant qu’ils se méprennent sur nos apports. Nous fournissons aux fédérations africaines environ 40 000 € de matériel, durement collectés, durement arrachés à nos différents partenaires. Nous leur apportons sur place un soutien institutionnel dans la recherche de subventions et de parrainage auprès de leurs autorités locales, une aide à la formation de formateurs en matériel pédagogique et en animation, une médiatisation en Europe du projet et de nos actions. En ce qui concerne les Béninois nous leur offrons la possibilité de nous accompagner dans les pays voisins, pour que le Bénin joue dans la région le rôle de leader qu’il veut tenir, nous prenons en charge une partie de leurs frais personnels.  En retour ils nous devaient notre hébergement, nos transports et celui du matériel, la prise de rendez-vous auprès des interlocuteurs institutionnels souhaités et l’organisation de la communication médiatique sur place. Il va sans doute falloir que je mette cela par écrit pour préparer ma venue dans les prochains pays.

Ce soir a lieu la fameuse cérémonie officielle de remise du matériel. J’accepte de prendre en charge la collation qui suivra, à hauteur de 50 000 CFA, soit environ 80 €. Je n’ai aucun budget de la FISF pour ce genre de choses, mais veux bien faire un effort. Quitte à payer de ma poche. Effort insuffisant aux yeux de mes amis béninois qui, là encore, avaient dans leur tête, imaginé les choses en grand, type réception cocktail ! J’aimerais bien savoir comment les scrabbleurs africains imaginent que nous vivons, nous scrabbleurs en Europe ! Sans doute croient-ils que nous avons pour habitude de faire bombance dans les grands hôtels après nos activités ! Non, chers amis. Le Scrabble dans nos pays occidentaux est moins pauvre que chez vous, peut-être, mais soyez sûrs que tout le monde se bat au jour le jour pour réduire les dépenses au mieux, pour tenir des budgets très serrés. Les subventions que nous recevons sont ridicules et nous vivons essentiellement de la participation des licenciés à l’activité : droits d’inscription aux tournois, qui ne permettent d’ailleurs pas à tout le monde d’y participer, prise en charge personnelle des frais de déplacements et d’hébergement, licences payantes, etc.  Et cela est bien difficile !

Ce matin, nous sommes reçus par la Ministre de l’Enseignement Supérieur en personne ! C’est la première fois que nous est accordé un rendez-vous à si haut niveau. Acquise comme tous à la cause du Scrabble dans ses vertus pédagogiques et éducatives, elle veut bien aider au développement des activités de la fédération béninoise en milieu universitaire. Il faut lui présenter un vrai projet, et je me rends  compte que c’est vraiment là que le bât blesse. Ces rendez-vous ne sont pas préparés. Les Béninois arrivent les mains dans les poches sans aucun document. Olivier et moi devons à la va-vite photocopier en noir et blanc le planning et le dossier de presse. Nous n’obtiendrons rien dans ces conditions, si nous ne présentons pas un plan d’action précis à nos interlocuteurs dans le domaine qui est le leur, si ce plan n’est pas assorti d’un budget, et si la demande de subvention n’est pas argumentée par la présentation claire des finances de la fédération et la démonstration de leur insuffisance pour faire face à tous les besoins. Là encore, c’est une bonne leçon pour les rendez-vous dans les prochains pays.

Mes mails du jour me remettent le nez dans l’imbroglio qui existe au niveau de la fédération togolaise que nous rencontrons dès le week-end prochain. Il y aurait eu des menaces à l’égard de nos interlocuteurs, émanant de quelqu’un qui se réclame d’une fédération officielle. Sommes-nous placés devant des luttes tribales, ou quoi ? Je crains que le climat au Togo et au Cameroun aussi d’ailleurs, ne soit pas plus serein qu’ici.

Claude se rend compte aujourd’hui que la formation prévue pour demain n’aura plus lieu à Porto Novo dans la belle salle que nous avons visitée auprès d’un public d’enseignants, mais à Cotonou, dans une salle pour 20 personnes, auprès essentiellement des scrabbleurs de la ligue Atlantique Littoral ! On change le lieu et la population des participants ! Pas grave, adaptons-nous ! Il fait preuve de beaucoup de souplesse, bien que je le sente inquiet.

Arrive l’heure de la cérémonie qui commence avec une heure trente de retard.

Claude et moi à la hâte scotchons sur les murs quelques documents faisant référence à la FISF. La fédération béninoise expose des échantillons du matériel qu’elle a reçu. Et nous attendons … Le genre de situation terriblement éprouvante pour ceux qui sont à l’heure, dont les représentants du Ministère de la Jeunesse et du Ministère de l’Enseignement supérieur, cette dernière ayant été « convoquée » le matin même pour 16 heures ! Elle est bien sympa d’honorer l’invitation ! Nous attendons que les médias soient là. C'est-à-dire essentiellement la télévision nationale béninoise que nous avons rencontrée hier, et qui s’est dite intéressée à couvrir l’évènement. Ils arrivent enfin, alors que l’attente devient insupportable, et nous rejoint M. Ahanzo, représentant du chef de l’Etat et responsable de la Francophonie au Bénin, un grand Monsieur d’un certain âge, influent, et au passé politique très riche. Finalement la cérémonie se déroule avec un petit discours de chacun sous les regards des caméras et d’un public composé presqu’exclusivement de scrabbleurs locaux.


Nous avons sauvé les meubles. Je ne sais pas comment, mais nous y sommes parvenus. Ouf ! L’occasion aussi pour moi de m’entretenir un peu plus avec M. Ahanzo qui nous invite à déjeuner la semaine prochaine, me convie lundi à venir le voir pour nous signer une lettre d’accréditation et un laisser-passer permettant de circuler entre les pays,  et envisage… (croisons les doigts) de pouvoir mettre à notre disposition un 4X4 tout neuf pour la tournée internationale ! Peut-être notre sauveur !

Nous sommes tous les deux fatigués. Les deux jours à Grand Popo sont déjà loin et le planning que l’on nous a concocté pour les prochaines semaines est infernal ! Aucun week-end ni jour de repos n’est prévu jusqu’au 10 mars où s’inscrivent quelques jours de tourisme au Togo. Notre activité dite « touristique » a été très largement squeezée par ce programme. Depuis 15 jours que je suis à Cotonou, je n’ai pas eu le temps de me rendre au marché, de visiter le village lacustre qui se trouve à peine à quelques kilomètres, d’aller à la recherche du moindre musée, de faire le moindre shopping librement quelques heures. Tout se fait à la va-vite. Sans cesse nous alternons des moments où nous sommes extrêmement pressés avec des moments perdus où nous attendons. Nous ne prenons que très peu le temps d’une sieste dont nous avons besoin. Très peu de temps pour manger aussi, et nous contentons presque toujours d’un seul vrai repas le soir. Tout cela est très fatigant. Ajoutons enfin que nous sommes tous les deux dérangés au plan intestinal et que nous venons enfin d’en comprendre la raison : notre dévoué Roméo nous met de l’eau au frais chaque jour dans des bouteilles d’eau minérale du réfrigérateur. Mais c’est de l’eau prise au robinet ! Il y a deux semaines que j’en bois !

Personnellement, la charge de travail, la chaleur et les soucis commencent à m’empêcher de dormir correctement et de trouver la nuit le repos compensateur.

Cette nuit mes soucis sont d’ordre financier. Nous avons rencontré une société de logistique recommandée par la Maison de la Francophonie, qui a l’habitude de travailler avec des associations et des ONG et dont le responsable, un homme très sérieux et qui inspire vraiment confiance, s’est démené toute la journée pour nous présenter des devis de transport du matériel en soirée. Le prix avoisine les 5000 € et grève notre budget. Mais il n’est pas envisageable que nous laissions le matériel à Cotonou, maintenant qu’il est sur le continent africain. Nous explorons toutes les possibilités : charger la marchandise sur des bus de ligne régulière, au risque de ne pas avoir le temps de faire les formalités de transit avant que le bus ne reparte ; envoyer tout en avion, ce qui serait le mieux mais le plus cher ; louer un véhicule utilitaire que nous conduirions nous-mêmes qui pourrait nous transporter et le matériel avec sur les 2500 km qui nous séparent de Bamako et avoir à payer au loueur le retour … Nous devons réfléchir encore. J’espère avoir dans le courant du week-end notre Président au téléphone.

Cotonou, le 21 février

Dire que la réunion était houleuse est un euphémisme !

Je prends la parole la première pour un point de la situation, puisque la réunion est convoquée par mes soins. Mon bilan est le suivant :

-    Engagement de la fédération béninoise non tenu sur le plan logistique, ni pour nos transports à Cotonou (nous avons dû nous-mêmes prendre une voiture avec chauffeur, négocier le prix, et payer), ni sur le plan des déplacements internationaux.
-    Préparation des évènements à venir plus qu’aléatoire. La salle de formation n’est toujours pas réservée ainsi que l’hébergement des participants à 48 heures de son démarrage, la cérémonie officielle du vendredi n’est pas préparée et personne ne sait où elle se tiendra…
-    Modification de mon planning initial qui prévoyait 2 semaines passées au Bénin dont une de tourisme. Certes, le retard du matériel peut expliquer que nous passions à Cotonou une semaine supplémentaire, mais il n’a jamais été question que nous y passions les 4 semaines prévues.
-    Absence de travail auprès des médias argumentant le fait qu’ils ne seront pas intéressés par notre activité et qu’il faudrait que nous les payions.

Je reçois en retour les explications suivantes ;

La fédération béninoise est « victime » d’un  conflit entre le Directeur de la Francophonie et le Ministère de la Jeunesse, conflit dans lequel nous sommes pris sans le vouloir, et qui explique que les promesses effectuées aient été annulées.

J’aurais aggravé la situation en remettant un planning au Ministère de la Jeunesse, initiative que j’ai prise dans l’urgence, le jour où la responsable des loisirs, courant après Gustave, le Vice-Président de la fédé béninoise absent pour cause d’enterrement, était en train de faire une crise de nerfs.

Le travail amont de préparation des rendez-vous, de médiatisation, d’organisation des évènements a été fait, ce depuis longtemps. Si l’on se rend compte que certaines choses ne sont pas effectuées, c’est de la faute à celui à qui on a délégué les démarches : Modeste. Et des services divers que nous voulions contacter, bref des autres…

Aucune de ces explications ne tient à mes yeux. Le conflit en question existe peut-être à haut niveau, mais si les choses avaient été correctement calées avant notre arrivée nous n’en serions pas victimes. L’initiative que j’ai prise concernant la remise du planning à la Directrice des Loisirs était nécessaire, et personne ne saura m’expliquer en quoi elle « aggravait la situation ». Quant à se défausser sur les exécutants, dont je vérifie moi-même chaque jour le dévouement et le sérieux, je considère cela comme indigne de la part d’un responsable !

Je profite de la réunion pour exprimer par ailleurs mon souhait que les accompagnants béninois dans les autres pays soient Modeste et Olivier, ayant une bonne visibilité du projet, entièrement disponibles et dévoués. Là, tollé ! J’ai touché à un tabou, semble t-il. J’explique que je suis en droit de choisir avec qui je vais passer les prochains mois, 24h/24 puisque les accompagnants ne nous « lâcheront » pas, y compris pendant les périodes touristiques. Je sens bien que mon volontarisme agace les responsables de la fédé béninoise, peu habitués semble t-il à laisser place à l’initiative, à être contestés publiquement et par une femme de surcroît. Mais je passe outre, car il y va de la réussite du projet. Je ne suis pas là pour me faire aimer. Je représente la Fédération Internationale et estime que celle-ci n’a pas à attendre d’ordres de la part de la fédération béninoise.

Il sera fait d’ailleurs allusion à certains propos que j’ai tenus dans ce blog. J’explique, là encore, que je suis libre de mes propos, que ce blog est un journal de voyage et pas un compte rendu officiel de mes activités à la FISF, que j’y exprime mes impressions et ma subjectivité. Je refuse absolument de me censurer parce que mes propos déplairaient à qui que ce soit.

Rien de bien constructif ne ressort de la réunion, si ce n’est encore une promesse toujours aussi vague que nous aurons le 25 un véhicule affrété par la fédé béninoise pour démarrer la tournée dans les provinces du pays, un autre pendant deux jours prêté par le Ministère des Affaires étrangères et un dernier enfin, pour 5 jours prêté par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Enfin, disons que c’est ce que nous avons compris ! La réalité nous en apprendra certainement davantage et Claude et moi doutons bien de ce que nous avons entendu.

Ce 21 février arrive le matériel, enfin ! A l’heure prévue du rendez-vous à la Maison de la Francophonie où il doit être livré, nous nous rendons compte que les scrabbleurs béninois qui devaient aider à décharger la marchandise ne sont pas là. Problème de transmission d’information semble t-il entre la fédération béninoise et la Ligue régionale qui devait fournir la main-d’œuvre. Il faut dire que le représentant de la Ligue n’a pas été convié à la réunion du bureau d’hier. Ici, le respect des procédures prime semble t-il sur le souci d’efficacité. Nous exigeons que l’on nous trouve des manutentionnaires, et je précise qu’il est hors de question que nous les payions. Roméo parvient en dernière minute à mobiliser 5 de ses copains… qu’il faudra indemniser.


Il faut s’imaginer ce qu’est cette journée sous un soleil écrasant au fond d’une cour où s’entassent nos trois tonnes de cartons, dont certains déjà éventrés…Le travail à effectuer est difficile, puisque les cartons sont triés plus ou moins par types de produits et identifiés ainsi. Je dis « plus ou moins » parce que dans le souci de les remplir complètement, des tas de choses diverses ont été rajoutées au dernier moment, si bien que le contenu de chacun est hétéroclite et qu’il faut presque tous les ouvrir un à un pour savoir ce qu’ils contiennent en réalité.

A l’aide de ma feuille de répartition, je commande les opérations. Pour chaque type de produits il faut définir combien d’exemplaires sont à attribuer à chaque pays, et constituer des palettes par pays. Enorme boulot, qui nous prendra sans même prendre le temps de déjeuner jusqu’à 17 heures. Claude se charge avec beaucoup d’adresse de ranger le magasin, que nous trouvons le matin de la livraison complètement sale et encombré. Apparemment là encore, il n’y a pas eu d’anticipation !

Je laisse à la fédé béninoise toute la littérature dite « diverse » que nous avons collectée, ces bouquins, type 7+1, étant volumineux et lourds, dans le souci d’alléger un peu les prochains transports, dont nous ne savons toujours pas comment nous allons pouvoir les effectuer.

C’est aujourd’hui qu’Olivier nous a pris le rendez-vous avec la télévision nationale béninoise ! Bon choix ! Nous devons abandonner notre équipe de manutention et toute la cargaison pendant deux heures pour être interviewés. Au fond de moi je bouillonne et me sens extrêmement tendue. J’espère que cela ne se verra pas trop à l’image. Un sujet passe effectivement sur les journaux de la journée, ce qui est une excellente chose. Mais bon Dieu, pourquoi aujourd’hui ? A la fin de l’interview le journaliste nous dit être intéressé à la couverture de la cérémonie officielle qui se déroule le lendemain pour la remise du matériel. Et bien alors ? Vous voyez bien chers amis béninois que les médias s’intéressent au Scrabble, et qu’il n’est pas nécessaire de les payer pour obtenir des retombées sur notre activité ?

La journée s’achève dans l’épuisement total. Claude et moi, noirs de poussière, nous écroulons très tôt.

Cotonou, le 20 février

Belle explication ce matin avec Roméo. On dirait un enfant. « Pardon Madame ! » « Pardon ! ». Allez Roméo, tu es pardonné, mais la troisième fois sera la dernière.

J’ai besoin d’une explication avec le président et le vice-président de la Fédé béninoise ce soir. Sans Olivier, sans ses initiatives qu’on lui reproche comme des prises de pouvoir, nous perdrions totalement notre temps. Il est mon seul interlocuteur dans la journée pour prendre des décisions. Il consacre tout son temps au Rallye. Il a une vision globale et stratégique du projet. Je vais devoir probablement imposer de continuer la tournée avec Modeste et lui, car je ne veux pas travailler et vivre 24h sur 24 avec des gens peu impliqués, ou pas fiables, ou tout simplement que je ne connais pas. La fédération béninoise va contester ma légitimité dans ce type de décisions, mais je prends le risque de les froisser. L’efficacité du Rallye compte avant les susceptibilités personnelles.

Nous travaillons dans une atmosphère tendue de relations difficiles entre les gens, d’incertitudes permanentes, de flou. C’est sûrement ce qui est le plus désagréable. Sous leur apparente décontraction, les Africains vivent en fait dans beaucoup plus de stress qu’on le croit. Les modes de fonctionnement extrêmement hiérarchiques sont très difficiles à vivre pour ceux qui font preuve d’ambition et d’initiatives, ceux  qui ont le désir de prendre des responsabilités. Les moyens dans tous les domaines sont limités. Il faut travailler dans des conditions très restreintes de confort et avec des outils non performants. S’il n’existe sans doute pas ici ce que nous appelons « le management par le stress »,  c’est je crois encore pire sous des formes différentes.

Cette ville est aussi par elle-même très éprouvante. Tout demande une énergie considérable. Claude et moi tentons de nous ménager une ou deux heures de sieste aux heures les plus chaudes de la journée qui sont véritablement infernales, mais cela n’est pas toujours possible.

Nous partons ce matin à Porto Novo
, capitale administrative et politique du Bénin, située à environ 30 km. Des kilomètres de route sans nature, toujours bordées de baraquements, de vendeurs d’essence en bidons, d’échoppes où se vendent des objets hétéroclites. Toute cette agitation dans la véritable brume que forment les vapeurs des pots d’échappement…

A Porto Novo, le Maire qui devait nous attendre n’est pas là ! Nous croyons un moment être venus pour rien, et allons nous attabler. Nos verres encore inachevés nous sommes appelés d’urgence pour être reçus par le Directeur de Cabinet. Ce type d’audience de proximité m’a plu car elle met en relation les gens au plus près du terrain, et laisse entrevoir des possibilités futures de partenariat. Mais elle ne devrait finalement pas ressortir de notre responsabilité. Ce travail de mise en relation avec la municipalité n’avait pas à attendre notre intervention. Le Directeur du Cabinet du maire le souligne d’ailleurs bien aux scrabbleurs de la région. Et puis, si nous devions reproduire cette démarche à l’échelle de toutes les municipalités du pays, dans deux ans nous serions toujours là !

Le Scrabble n’a pas à être argumenté auprès des officiels partout où nous passons. Le jeu jouit d’une excellence réputation d’activité culturelle éducative et saine vers laquelle il est bon d’orienter les jeunes. Nous convenons que la Ligue de Ouémé Plateau, région où se trouve Porto Novo, devra déposer un dossier argumenté de demande de subvention à la municipalité et que notre interlocuteur sera notre avocat auprès du Conseil Municipal.

La visite du centre où doit se dérouler la formation animée par Claude ce week- end nous apprend que ce soir, mercredi, la salle n’est toujours pas réservée ! Personne cependant ne semble vraiment inquiet ! Nous apprenons aussi, par le responsable de la Ligue régionale, que les participants seront non pas des enseignants de la région, mais des scrabbleurs qui viennent apprendre à enseigner dans les écoles ! Olivier assure que des enseignants seront bien présents. Les responsables de la Ligue l’ignoraient ! Voilà le genre de situation dans laquelle nous sommes plongés ! Et Inch Allah pour la formation de ce week-end !

Le petit club de Scrabble que nous visitons enfin est touchant
. Un vieil enseignant à la retraite, avec du matériel artisanal, anime dans le fond de sa cour quelques tables, occupées par de très jeunes scrabbleurs. Premier mot posé sur la grille ; FELLE, invariable ! J’admire ces gamins de s’intéresser à ça finalement !
C’est que le désir d’apprendre est ici très fort. Notre jeune chauffeur, Prince, est en train de se mettre au Scrabble lui aussi !

Ce soir, nouvelle réunion avec les membres du bureau, à mon initiative. L’occasion pour moi de « vider mon sac ».

Cotonou, le 19 février

Nous voilà donc revenus dans cette maison, un peu comme à la case départ. Depuis maintenant 10 jours que je suis arrivée, les choses n’ont pas beaucoup évolué. Nous n’avons toujours pas résolu les problèmes logistiques majeurs : sortie des marchandises du port, véhicule permettant de les transporter même sur le territoire béninois. Ne croyant plus trop aux promesses des Béninois dans ce domaine, je dois maintenant m’organiser toute seule et prendre des décisions.

Je paierai ce qu’il faut
en taxes et autres frais. Claude et moi décidons de garder Prince et son véhicule pour tout notre séjour au Bénin, et les deux week-ends au Togo. Nous avons un accord verbal sur le partage des frais avec la fédération béninoise à raison d’un tiers du montant. Mais cette solution ne résout que nos propres déplacements et pas le transport du matériel. La fédération béninoise dit qu’elle règlera le problème. Oui … Rester là à attendre la réalisation de la promesse ?

Tout ce qui est prévu dans le planning préparé par la fédération béninoise m’inquiète dorénavant. Ce week-end, une formation de formateurs doit réunir à Porto Novo 70 personnes. Je ne parviens pas à être rassurée sur son organisation. Les rendez-vous officiels envisagés prochainement ne me paraissent pas mieux calés que ceux de la semaine dernière. J’ai des doutes sur le fait qu’ils soient suffisamment suivis dans le temps pour en espérer un résultat positif. Les accompagnateurs béninois dans chacune des régions, et plus encore dans les autres pays, ne sont toujours pas désignés. Les médias béninois qui devaient être si intéressés par notre Rallye ne se sont pas manifestés. Beaucoup de flou dans tout cela … Et pendant ce temps, le temps passe…

Il est vrai que je ne suis pas très patiente, mais là, je suis mise à grande épreuve. Tant d’énergie pour quel résultat ? Je n’en sais encore rien.

Sur le plan personnel, mon intoxication alimentaire se confirme car, après des troubles intestinaux, me voilà maintenant couverte de boutons ! Rien de bien grave, mais sous la chaleur les démangeaisons sont particulièrement désagréables.

Cette journée du 19 devait être consacrée au tri
et au reconditionnement de la cargaison. Bien entendu, cela ne se fera pas. Nous aurions pu rester au paradis de Grand Popo un jour de plus. Quel dommage ! Nous passons donc une grande partie du temps dans la maison à jouer au Scrabble, en attendant l’ouverture de la Maison de la Francophonie pour aller sur Internet. Je ne suis tout de même pas venue jusqu’en Afrique pour rester enfermée des jours entiers à jouer au Scrabble ?

L’heure du déjeuner est largement dépassée et tout le monde a faim mais personne ne bouge. Et faut-il que je prenne en charge aussi le repas du déjeuner pour 6 personnes ? Non, sûrement pas. J’ai déjà rempli le réfrigérateur hier, et accepte que chacun aille se servir quelque chose, mais indique clairement que je ne suis pas là pour materner qui que ce soit. Car je sens bien, sans que personne ne le dise, que l’on attend plus ou moins que je donne le départ du déjeuner. La mauvaise humeur me gagne peu à peu. J’avale debout comme chacun un bout de pain et de charcuterie.

Il n’y a plus d’eau dans la maison depuis hier soir. La journée à 30° humides est particulièrement pénible à supporter ! Les coupures sont incessantes ici. Coupure d’eau mais aussi d’électricité. Il faut prévoir des torches et des réserves d’eau.

Notre « gardien » Roméo, n’a pas pris cette précaution. Ce soi-disant gardien ne garde pas grand-chose, car toute la journée il est à l’extérieur, occupé  à je ne sais quoi, ou dans sa chambre et il dort. Mais je ne cherche pas à comprendre. Il paraît qu’ici quand on loue une maison on loue un gardien avec … Il n’a rien à faire d’autre pour nous de la journée que de faire réchauffer l’eau du Nescafé pour le matin ! Mon expérience culinaire n’est pas très grande, mais ça je sais faire ! OK, je ne dis rien pour ne pas lui faire perdre son travail. Mais lorsque ce soir, et pour la deuxième fois, il n’est pas là quand nous allons nous coucher et qu’il nous réveille au milieu de la nuit pour qu’on lui ouvre la porte, alors là je me fâche tout rouge ! Roméo se croit à l’hôtel !

L’après-midi est plus féconde
. Sur ma boite de réception, j’apprends avec grande joie que notre demande de soutien et de parrainage à l’OIF a été acceptée ! Même si la subvention accordée aux activités de la FISF est modeste, c’est un premier pas considérable car, en 30 ans de Scrabble, cet organisme n’avait encore jamais participé financièrement. Ce devrait être quelque chose de renouvelable chaque année, et en termes d’image il est très important que nous puissions nous placer sous l’égide de l’OIF. Cela va sûrement nous ouvrir des portes et faciliter notre introduction auprès des officiels dont nous cherchons le soutien.

Je me résous à régler par virement bancaire le montant des frais de sortie du port, 2500 €, malgré la certitude des béninois qu’ils peuvent obtenir une exonération totale des frais de douane. S’ils y parviennent, le montant ainsi réglé sera déduit du montant que nous aurons à payer pour la deuxième cargaison. Mieux vaut tenir que courir. Nous aurons donc la marchandise jeudi matin à la première heure. Il va falloir trier les trois tonnes de cartons, probablement sous le soleil, dans la cour étroite de la Maison de la Francophonie, pour répartir le contenu en fonction des 7 pays.

Cette répartition n’est pas sans problèmes. Les Béninois s’attendent à être favorisés compte tenu de leur participation au démarrage du Rallye et aux ennuis qui vont avec. Ils le sont effectivement dans ce que j’ai prévu, mais seulement dans la limite d’une quantité honorable de matériel pour les autres pays. J’espère qu’il n’y aura pas de contestation sur ce point.

Je mesure mieux maintenant sur le terrain l’ampleur de l’aventure dans laquelle nous nous sommes engagés ! Comment allons nous transporter tout cela jusqu’au Mali, par le Burkina ? Claude me paraît encore plus inquiet que moi. Faut-il résoudre le problème par nous-mêmes ou compter sur les Béninois ?

Grand Popo, 16-17 février 2008

Si vous voyiez d’où j’écris, vous seriez morts de jalousie !

Nous avons loué une voiture avec chauffeur (d’ailleurs il n’existerait pas de location de véhicule sans chauffeur, paraît-il) à un ami de notre fidèle Modeste, qui m’accompagne si gentiment partout, pour un prix intéressant. Il s’appelle Prince, et paraît être un jeune homme intelligent  cultivé.

Deux heures après l’heure prévue pour le départ, (mais quoi de plus normal ? il y a des heures de queue à la pompe à essence ! il a fallu passer par un garage pour s’assurer du bon fonctionnement, etc), nous prenons la route pour les 65 km qui nous séparent de Grand Popo, station balnéaire de rêve.


Le guide du Routard nous signale une auberge en bordure de plage, où nous trouvons de la place sans problème. Nous occupons Claude et moi deux chambres séparées, dans un bungalow situé dans un magnifique jardin tropical, et seront bercés cette nuit par les rouleaux incessants des vagues de la plage toute proche. C’est une plage infinie, d’environ 150m de large, et quasiment déserte. Par endroits, des petits hameaux de pêcheurs en palme indiquent cependant que le lieu est habité. Sur la plage de notre hôtel, parsemée de quelques toits de palme en guise de parasols, une petite dizaine de blancs, sans doute des coopérants qui travaillent à Cotonou. Mais l’impression d’ensemble reste celle d’une plage déserte bordée de cocotiers où viennent accoster les pirogues de bois sculpté des pêcheurs.


L’Atlantique est chaude, mais violente, et la baignade pas vraiment conseillée. Une piscine de taille confortable permet de nous rafraîchir. Le restaurant en terrasse est beau, et offre des crevettes dont nous allons nous  régaler ce soir. J’ai vraiment besoin de me poser un peu. Ces trois jours sont miraculeux !

Je suis un peu dérangée (au plan intestinal s’entend !) et dois sans doute abandonner mes désirs de salade ici. J’ai pourtant moi-même lavé mes tomates à Cotonou, mais sans doute encore insuffisamment. Rien de bien grave, et quelques Immodium devraient suffire à faire l’affaire. En revanche, je crains le pire pour ma ligne si je me rabats sur les pommes frites à chaque repas !

La chambre est confortable, climatisée et ventilée. Le lit est bon. C’est un régal !
Ce dimanche matin nous permet Claude et moi de faire un Scrabble. Il me bat largement, bien sûr, lui qui est deuxième série, et moi qui, depuis si longtemps, ne suis plus du tout concentrée sur ce jeu. Je m’abstiens de tout déjeuner et à l’heure où j’écris je pars faire la sieste !

L’après-midi, sous une chaleur encore torride, nous nous rendons sur la plage et voyons un couple avec deux enfants, et … un jeu de Scrabble dans leur sac ! Nous faisons connaissance et quelques parties en classique. Ils sont ravis et nous aussi de voir se confirmer qu’en Afrique on joue bien au Scrabble partout ! La dame semble assez talentueuse. Nous la quittons en lui donnant les coordonnées d’un club à Cotonou. Peut-être une nouvelle recrue, et pas n’importe laquelle : une femme cette fois-ci ! Car au Bénin, il n’existe pas de scrabbleuses.



Je guette un peu de fraîcheur quand le soir tombe. Les vagues ne cessent de rouler. C’était  un vrai bonheur que ce dimanche à Grand-Popo !