Ouagadougou, le 10 avril

Les jours se suivent sans se ressembler, et heureusement ! La journée d’aujourd’hui a été constructive et ordonnée. Grâce au travail effectué la veille jusqu’à 23 heures, la cérémonie prévue ce matin avait un sens, la salle était en place, la décoration bien que bricolée était présente, et l’ordre du jour soigneusement établi ! Notons cependant que nous ne sommes pas encore parvenus à éviter la fameuse panne de voiture, désormais classique, qui amène une partie de la salle à avoir plus d’une demi-heure de retard ! Mais, rien de grave, cette fois ci !

Une vingtaine de scrabbleurs burkinabés, non rencontrés jusqu’alors, sont présents. Il s’agit de les impliquer à la construction d’une future fédération, de démontrer la volonté de la FISF et du comité d’organisation du Rallye à y parvenir, et de faire passer un certain nombre de messages sur la nécessité de s’organiser, les bénéfices que les scrabbleurs peuvent en attendre, et les contraintes par lesquelles cela passe, en particulier la nécessité de se licencier et de contribuer financièrement à l’activité de l’association.


Sur le podium, à nos côtés, le représentant du Ministère des Loisirs, et le Parrain du scrabble burkinabé, ancien ministre. Nous prendrons la parole chacun à notre tour, ainsi que les représentants des fédérations sœurs, ivoirienne et béninoise. L’ensemble parvient à avoir une certaine allure. Trois médias de presse écrite sont présents. Le Ministre récite un poème en hommage à la langue française, sorte de synthèse entre un texte de Serge Reggiani, de Verlaine et de Lamartine ! Je suis particulièrement touchée par le sens de son allocution, qui vise à démontrer que l’acculturation par la langue française survit aux questions de politique, que l’acquisition de l’indépendance des peuples africains vis à vis de la France n’a pas éradiqué l’amour que ceux-ci portent à notre langue, ni ce que cet amour implique en termes de modes de pensée. Car l’usage d’une langue est bien plus que la maîtrise des signifiants qui la composent. Il est la mise en pratique vivante de toute une culture.


Un travail en atelier permet ensuite de réfléchir au chemin qu’il faut parcourir pour arriver à une structure, et à l’élaboration d’une véritable feuille de route pour les mois à venir, que va se voir confiée un Comité de Pilotage pour la mise en place de la nouvelle fédération. Les rapports des différents groupes sont très cohérents, et ne font pas apparaître de divergences de points de vue significatives. Cela, les luttes de pouvoir, l’émergence de différentes tendances, c’est pour plus tard ! Pour l’instant, tout le monde est d’accord sur le fait que le caractère absolument informel du Scrabble burkinabé ne peut pas perdurer, et qu’il faut s’atteler à recenser les joueurs existants, à les organiser d’abord en clubs puis en districts et en ligues, à travailler sur des textes fondateurs, à viser l’agrément administratif des structures créées, etc. Jusqu’à une assemblée générale fondatrice que l’on prévoit avant la fin de l’année 2008.

L’après-midi est consacré à une initiation au Scrabble duplicate, que la majorité des joueurs présents n’a jamais pratiqué. Demain, les burkinabés participeront pour la première fois à un tournoi en simultané. Il faut leur apprendre les éléments de base de la tenue d’une feuille de route, du référencement alphanumérique, du remplissage d’un bulletin, etc. La salle est disciplinée et très attentive. J’éprouve le sentiment de faire quelque chose d’utile, et ce n’est pas tous les jours que je peux m’en prévaloir !

Enfin, rencontre agréable et fructueuse, je crois, avec la conseillère culturelle de l’Ambassade de France, prête à aider la future fédération à trouver un lieu où elle pourrait entreposer son matériel et organiser des compétitions.

C’est formidable, non ? Oui, c’est formidable ! Pardon  pour mon découragement d’hier ai-je envie de dire aujourd’hui où je ressens de l’enthousiasme sur ce qui s’accomplit pas à pas devant mes yeux : la gestation d’une fédération de Scrabble au Burkina.

Ouagadougou, 8-9 avril

Cette semaine de travail à Ouaga se déroule dans une certaine confusion. La confusion est telle en ce qui me concerne que je ne suis même pas capable d’écrire un article décrivant ce que nous avons fait durant ces deux jours.  La température y est pour quelque chose (à mon avis au moins 40° sans aucune once d’humidité), mais pas seule responsable du triste état dans lequel je me trouve à l’heure où j’écris.

Je suis désormais habituée aux rendez-vous approximatifs, qui se déroulent plus ou moins tout de même, au forcing et à la dernière minute, faute d’avoir été mis par écrit sur le moindre des agendas. A ceux aussi qui n’ont pas lieu, parce que leur organisation au dernier moment n’est finalement pas possible. A ceux enfin qui ne sont purement et simplement pas honorés par nos interlocuteurs, alors qu’ils avaient été fixés au préalable, ceux dont les annulations par téléphone n’ont pas été enregistrées, ceux dont les dates notées ne sont pas les bonnes, dont les confirmations attendues par ceux qui nous reçoivent n’ont pas été faites. Etc.

Je suis rodée aux plannings farfelus que l’on me présente à mon arrivée, et qui prévoient que je reste sur place, non pas 8 jours comme cela a toujours été dit, mais deux ou trois semaines. (Ce qui, tout le monde le comprendra, est une absolue impossibilité dans le cadre d’une tournée de trois mois devant aller à la rencontre de 7 pays !) J’ai déjà eu l’expérience des plannings qui me suppriment toutes les périodes de tourisme que je devrais m’accorder, de ceux qui prévoient de me faire faire des allers-retours en dépit du bon sens parce que le carburant des kilomètres parcourus n’est pas pris en considération par les gens qui les conçoivent, de ceux qui mettent la charrue avant les bœufs, etc.

Rien ne m’est plus familier que les retards dont chacun a une bonne explication. Untel a subi une panne de voiture. L’autre a été malade. Le troisième, un deuil dans sa famille. Que de malheurs à chaque fois ! Toujours est-il que je sais aujourd’hui que 8 heures veut dire 9 heures, si ce n’est pas 10 ou 11. Que demain veut dire plus tard, mais on ne sait pas trop quand. Que tout à l’heure ne veut rien dire du tout. Etc.

Je connais aussi les programmes non anticipés au point de vue de leur mise en place matérielle. Les formations dont on ne sait où elles vont se dérouler, ni quel public elles vont véritablement concerner. Les tournois sans chaises au moment de leur démarrage. Les cérémonies auxquelles ne sont pas conviés les spectateurs potentiels. Les animations où le matériel nécessaire doit se récupérer au dernier moment. Les mises en place dans l’urgence et les bouts de ficelle. Etc.

J’ai partout expérimenté la question des médias que l’on ne pourrait faire venir à nos opérations, sous le prétexte qu’en Afrique il faudrait les payer, sans même qu’un travail préalable de rencontre, d’explication et d’argumentation ait été effectué avec chacun d’eux pour savoir sur quoi et comment on pourrait les intéresser. Les émissions de télévision en direct auxquelles je suis conviée, et auxquelles on arrive en retard sur le plateau devant un animateur terrorisé qui a déjà parlé de nous à l’antenne, et ne sait pas s’il va s’en sortir !

Bref, je devrais donc être vaccinée, non ? Et, bien je ne le suis toujours pas ! Je souffre à chaque fois, plus qu’il n’est de raison. Je ne parviens pas à cacher ma colère, ma déception. Je me comporte comme si la mésaventure m’arrivait pour la première fois, et je ne peux garder mon calme, comme je sais si bien le faire pourtant dans les situations difficiles qu’il faut gérer et qui ne dépendent que de moi : les pannes de voiture, les problèmes financiers, les questions d’inconfort, etc. C’est que les hommes (les humains je veux dire !) me fatiguent ! Que j’espère sans doute trop d’eux. Que je suis confiante jusqu’à la naïveté.

Les lecteurs     auront donc compris à quel point le travail à Ouaga m’est difficile. Difficile aussi pour moi d’admettre ce réflexe permanent de reporter la faute sur l’autre, et de ne pas remettre en cause ses propres modes de fonctionnement.

Oui, je sais, ce n’est pas faute de bonne volonté de la part de ceux qui agissent et qui sont bénévoles. Ce n’est pas faute d’énergie déployée par une petite minorité à qui on devrait être redevable. Mais lorsque tant d’efforts n’aboutissent à rien, j’éprouve un sentiment terrible de gâchis. Le sentiment d’un gaspillage de temps, d’argent, et surtout de motivation. La mienne en tous les cas s’érode, et si je n’écoutais que mon désir premier, je prendrais les jambes à mon cou, je planterais là ceux qui ne jouent pas le jeu, ou le jouent si mal qu’il faut faire semblant !

Car c’est ce que nous sommes en train de faire à Ouagadougou. Quelques exemples : depuis 3 jours que nous sommes là, nous n’avons rencontré que quatre joueurs burkinabés. Existent-ils vraiment ces scrabbleurs à fédérer ? Ils sont paraît-il une trentaine, encore jamais vus et conviés demain à une cérémonie de démarrage du Rallye. Simulacre de démarrage puisque nous sommes jeudi en plein dedans ! Le lendemain, vendredi, c’est la cérémonie de clôture qui est prévue ! C’est rapide n’est-ce pas ? Alors que le Rallye va paraît-il se poursuivre encore une semaine après notre départ, puisque les burkinabés l’ont prévu sur quinze jours ! Simulacre à nouveau de remise du matériel le vendredi, puisque les responsables l’ont reçu depuis plus de 5 jours, et qu’il sera utilisé la veille pour le tournoi en simultané ! Nous faisons semblant pour les médias qui sont censés être là, pour le parrain (l’ancien Ministre si bien disposé à notre égard dont j’ai parlé plus haut), le Ministère de la Jeunesse et des Loisirs… Je crains de me décrédibiliser, et la FISF avec moi, vis à vis des quelques responsables qui paraissent d’ores et déjà engagés dans le soutien au Scrabble burkinabé.

Ici, je dois reconnaître que l’absence de fédération de Scrabble constituée aggrave encore les choses. Les trois personnes impliquées dans la préparation du Rallye sont bien seules, et absolument pas rodées à une quelconque organisation de notre activité. Elles improvisent, fortes de leur bonne volonté, mais cela  ne suffit pas. Comment espérer dans ces conditions qu’une fédération puisse se mettre en place ? Tant qu’un scrabbleur organisé miraculeux ne se fera pas jour, comme bénévole et comme leader, pour conduire l’immense travail qui aboutira à la création d’une structure au Burkina, ce ne sera pas possible. Le Rallye des Mots était peut-être prématuré au Burkina. Il pousse en avant un petit groupe de gens pas préparés à mon sens aux responsabilités qui les attendent, et les confrontent à des autorités avant d’être véritablement aguerris.

Désolée pour les copains ivoiriens qui sont venus jusque là et qui se montrent très fair-play. Ils ont une patience que je n’ai pas. L’Afrique va sans doute m’améliorer dans ce sens, mais je crois que jamais je n’arriverai à la cheville d’un africain de ce point de vue ! Tant pis pour moi, puisqu’apparemment cela me fait souffrir plus qu’eux !

Alors un effort, ma vieille, pour être un peu plus positive !
D’accord…


Ce matin, je parviens contre vents et marées, et malgré mon énervement, à dispenser quelques heures de formation à l’animation scolaire, et à faire passer mon message d’une approche pédagogique progressive de notre jeu auprès des enfants. L’après-midi, enfermée dans ma chambre sans mettre un pied dehors, pas même pour aller à la piscine, j’évite la fournaise des rues de Ouagadougou, même pour une marche de quelques minutes, et je me régénère dans ma sieste climatisée. Dans le courant de la soirée enfin, malgré une heure de retard, nous parvenons à nous réunir, le comité burkinabé, Olivier, Joseph de la fédé béninoise et moi, pour préparer les jours à venir, comme il faut le faire, c'est-à-dire dans les objectifs à poursuivre, dans la logique d’une chronologie, dans le détail des interventions de chacun et dans la préparation matérielle nécessaire à chaque étape du planning.


« In extremis vaut mieux que pas du tout ! » Voila ce que sera ma nouvelle devise si je veux dormir cette nuit !

Ouagadougou, le 7 avril

Première journée de travail burkinabée, (je mets un e volontairement !).

Les Ivoiriens sont arrivés à Ouaga à 5 heures du matin, après 35 heures de train sans couchettes ! Ils sont quatre, le Président que l’on appelle Petit Papa, Hamilton mon correspondant, Franck et Joseph. Epuisés, évidemment, mais contents de leur voyage qu’ils ont trouvé intéressant.

Nous rencontrons le matin un ancien Ministre, chargé des relations avec le Parlement, homme très influent encore qui accepte de parrainer la création d’une fédération burkinabée de scrabble. Ce Monsieur est très intéressé par la langue française, et sans être scrabbleur, trouve que la promotion de notre jeu est intéressante. Il lui suffit d’un simple coup de fil pour toucher les interlocuteurs que nos amis burkinabés ne parviennent pas à rencontrer. Un miracle !
 


Les Ivoiriens offrent leurs cadeaux : deux pagnes pour moi, une plaque de remerciement pour la FISF, et une autre pour les burkinabés. Sympas !
 


Il est impossible de se balader dans Ouaga avec la chaleur qu’il fait. Je vais sûrement me contenter de ce que je vois au travers des vitres de la voiture ! Mais la ville paraît belle, et surtout très différente de celles que j’ai vues jusqu’ici. Les rues sont larges et propres, bordées de pistes cyclables. Il y a beaucoup d’arbres. Les magasins sont plus luxueux et aussi plus européens qu’ailleurs. Il y a de grands hôtels, des buildings modernes, et beaucoup de travaux qui annoncent une modernisation imminente.

Déjeuner en commun au restau. Nous ne sommes pas moins de 12 ! Les Ivoiriens affamés par leur voyage demandent à être resservis d’un deuxième plat de couscous ! Nous établissons le programme définitif de cette semaine de boulot qui commence cet après-midi par la rencontre avec le futur ministère de tutelle, de la jeunesse, des sports et des loisirs. Le Secrétaire Général est ouvert à notre activité qu’il dit pouvoir soutenir lorsqu’elle sera officialisée. A suivre…

Remise du matériel vers 17h30. Je suis inquiète encore à ce propos. Nous n’avons que la moitié de la cargaison. L’autre moitié voyagera seule par bus jeudi, et je redoute le passage de la frontière. Le volume est toujours très impressionnant, et je me demande bien comment nous allons transporter jusqu’au Mali les cartons des maliens et ceux des guinéens, soit environ 800 kg et 2 m3. Jusqu’au dernier jour, cette question du matériel m’aura enquiquinée ! Je ne serai vraiment soulagée que le jour où les guinéens repartiront chez eux avec leur cargaison.

Pour calmer mes inquiétudes et mes terribles chaleurs ( !) soirée piscine bienfaisante.

Fada N'Gourma, le 5 avril

Les nouvelles sont excellentes ! D’abord, ça y est, Modeste sait nager ce matin ! Lui qui avait vu un ami se noyer sous ses yeux en piscine, et ne voulait plus entendre parler de l’eau, flotte désormais tranquille, et avance même avec des mouvements à peu près cohérents, qu’il achève par un grand rire de joie ! Cela semble le consoler de ne pas avoir vu de lion dans le parc de la Pendjari !


Matinée technique, comme souvent. C'est-à-dire connexion Internet, permettant en une heure de lire 5 messages sur 25 ! Nettoyage de la voiture complètement recouverte de terre rouge, extérieur comme intérieur. Et banque, où arrive le virement Western Union de ma fille qui nous sauve, et nous permet de quitter le Bénin dans l’après-midi. Je m’organiserai autrement pour les prochains voyages.

Voilà ! Nous sommes partis pour le Burkina. La chaleur s’accroît de kilomètres en kilomètres, et il devient impossible de rouler toutes fenêtres ouvertes. La route, et encore la route. C’est tout l’après-midi que nous roulons, et la circulation se fait de plus en plus rare au fur et à mesure que l’on approche de la frontière, que nous franchissons sans problème.

Le spectacle du Burkina Faso dans cette partie de l’extrême est du pays est édifiant. La savane s’assèche toujours davantage. Les cours d’eau sont totalement à sec et la terre de leurs rives craquelée. Les arbres sont très parsemés et comme brûlés par le soleil. Seuls de rares manguiers offrent encore un peu de verdure et d’ombre de temps en temps. Les villages sont minuscules et ne comprennent que quelques groupes de ces habitations de terre, devant lesquelles des réserves à grains de jolies formes ovales, aux pieds travaillés et aux couvertures de chaume coniques, assurent la survie des familles pendant cette saison sèche qui est en train de se terminer. La chaleur est telle que l’on voit peu d’êtres humains dehors. Nous ne croisons que des bergers, à la tête de troupeaux de bœufs horriblement maigres. Des chèvres tentent de brouter quelque chose dans les ravins du bas-côté de la route. Des singes la traversent. Le goudron, fondant sous le soleil, miroite et ce sont autant de mirages d’un peu d’eau vers lesquels la voiture avancerait sans jamais les atteindre.


Comment les hommes peuvent-ils vivre dans un tel environnement ? On ne voit aucune culture possible ici. Un peu d’élevage oui, mais que peuvent bien manger les bêtes ? On imagine que seuls des fauves peuvent être à l’aise dans de pareilles conditions. Les vautours aussi, qui sont présents partout, y compris dans les villes, attendant la mort de quelque bête affamée ou épuisée.

La route s’offre à nous, plate, rectiligne et déserte. Nous ne croisons que très peu de véhicules particuliers, et de temps en temps quelques bus bondés portant sur leur toit un incroyable fourbi, dans des équilibres qui paraissent totalement instables. De gros camions transportant des oignons, du coton, sont parfois arrêtés sur les bas-côtés. Le chauffeur s’abrite sous la carrosserie pour une pause un peu ombragée mais certainement torride. Des hommes à vélo à l’approche des villages font preuve d’un courage extraordinaire. Il serait totalement impossible à n’importe lequel d’entre nous de faire un effort physique sous ce soleil.


Nous parvenons en soirée à la première agglomération burkinabé : Fada N’Gourma. C’est une bourgade tranquille où circulent essentiellement des bicyclettes. Quelques arbres au parfum délicieux, des neems embaument l’air. Nous trouvons un hôtel pas terrible, mais qui peut nous permettre de passer la nuit. Ma chambre ressemble à une cellule de prison verdâtre dans laquelle on accède par une porte en fer, et dont l’unique fenestron grillagé donne sur un couloir obscur. Mais nul cafard ni moustique à l’horizon, je vais pouvoir dormir tout de même. Par les ouvertures de la salle de bains on entend jusqu’à une heure du matin la musique tonitruante du « maquis » (bar restaurant) d’à côté, et il ne sera pas question de se plaindre, puisqu’il s’appelle La Patience !

Nous dînons dans un de ces maquis qui donne sur la rue principale. On achète à manger dans des stands qui proposent des poulets ou des carpes grillés que l’on mange avec les mains. De nombreux vendeurs ambulants de mouchoirs en papier ou de cartes de téléphone nous proposent sans cesse leur marchandise. La plupart du temps ce sont des enfants. Deux d’entre eux se régaleront de ce que nous laissons dans nos assiettes. Ces gosses ont faim. Le troisième, handicapé qui ne marche pas mais qui rampe, ne sera pas assez habile pour les rejoindre quand ils partent en vitesse avec notre assiette. Pour ma part, il y a des jours et des jours que je ne peux plus rien avaler le soir. Ce n’est pas grave, nous sommes si gros, si gras, comparés à tous ceux qui nous entourent ici !

Ouagadougou, le 6 avril

Après une balade au marché de Fada, une autre journée de route, semblable à la précédente. Nous arrivons à Ouaga à 16 heures, et retrouvons Olivier, Frédéric mon correspondant Rallye des Mots, et deux autres burkinabés qui ont préparé notre arrivée.


Olivier, Modeste et Prince, ainsi que les quatre ivoiriens qui arriveront demain matin, logeront à la Cité Universitaire. Pour ma part, je suis dans un bel hôtel de la ville dont les amis burkinabés ont négocié les prix. Ma chambre ressemble à celle d’un Novotel des années 60 et dispose de la clim. Ouf ! Sauvée !

Ce soir réunion de préparation de la semaine que je dois passer ici. Les premières informations que j’ai ne m’étonnent pas beaucoup : aucun rendez-vous officiel n’est calé ! Cela paraît décidemment  impossible en Afrique ! L’objectif essentiel ici est de créer une fédération burkinabé (il est aberrant que ce mot ne prenne pas le féminin !) de Scrabble. Les joueurs de Ouaga sont une douzaine qui pratiquent le Scrabble classique et ont la volonté de créer autour d’eux une activité structurée. Il va falloir les y aider. Devant être au Mali la semaine prochaine, je n’aurai pas le temps de faire du tourisme ici, d’autant moins que mes hôtes s’attendaient, je ne sais pas pourquoi, à ce que je reste à Ouaga plus d’une semaine. On ne va pas me refaire le coup du Bénin, non ? De toute façon, maintenant que je suis aguerrie, je ne me laisserai plus prendre en otage !

A chaque nouveau pays, de nouvelles rencontres, de nouveaux visages, de nouveaux noms à retenir. Ici c’est Frédéric, Ousséni et AbdoulaÏ. Une nouvelle étape aussi de la création d’une fédération de Scrabble. Au Burkina, on en est aux balbutiements. Il faut tout mettre en place : des statuts, un bureau, etc.

La nouveauté n’enlève pourtant rien à la familiarité que nous ressentons entre nous. Il y a longtemps déjà que je corresponds avec Frédéric, et même si son physique m’était inconnu, j’ai l’impression que nous sommes copains depuis belle lurette et nous nous embrassons chaleureusement dès mon arrivée ! Je m’émerveille de cette chaîne de solidarité et d’amitié que crée cette opération, entre les peuples si différents que nous sommes, et que seule la langue française et l’amour d’un jeu réunissent. Vive le Scrabble comme ciment entre les peuples ! Beaucoup se moqueront de la formule, mais moi, l’amitié entre les peuples, j’y tiens, et si la pratique d’un jeu va dans ce sens, pourquoi pas ? Il y a tant et tant de choses dans notre monde qui vont dans le sens inverse !