Balthazar, mon guide vient me chercher à 9 heures tapantes.
Nous enfourchons une moto chacun pour nous rendre sur la Lobé, rivière qui chute dans la mer à une dizaine de kilomètres de là. La route prend fin assez vite pour devenir une piste qui serpente à travers la brousse, déjà écrasée de soleil à cette heure pourtant matinale. Après l’orage de cette nuit, la journée s’annonce très chaude.
Un piroguier nous attend à l’ombre des badamiers sauvages tout près du pont qui enjambe la rivière. Nous prenons place à bord, moi devant pour admirer au mieux le paysage. Et c’est une heure de pur bonheur que cette douce et lente glissade sur l’eau verte, au rythme du clapotis léger de l’eau sur la perche ! Un moment de pleine sérénité. Le spectacle de la brousse est époustouflant. Des cascades de verdure dégringolent des arbres, des talus, et viennent plonger dans l’eau. Des arbres géants élèvent leurs cimes vers un ciel pur. Ce sont des azobés, des kapokiers, des bambous, aux pieds desquels toute une végétation épiphyte prend naissance pour grimper le long de leur tronc.
Quelques hameaux de pêcheurs jalonnent la rive. On aperçoit parfois une femme qui lave son linge, battant vigoureusement des étoffes colorées, courbée en deux, le dos parfaitement perpendiculaire à son torse. Un enfant tourne en général autour d’elle. Quelques pirogues très fines au bois clair glissent silencieusement sur l’eau ou attendent près du rivage, qu’un de ces pêcheurs aille à la recherche de tilapias, de poissons-chats, silures, aloses, etc. Mais ce sont surtout des crevettes qui sont pêchées ici, spécialité de Kribi.
La pirogue accoste sur la rive glissante de boue et couverte de végétation sauvage. Un petit sentier conduit vers le hameau de pygmées. Ce sont une trentaine de personnes qui vivent là, provisoirement car elles sont nomades. Quelques huttes de palme pour tout habitat, ces gens sont une seule et même famille composée d’un homme et de ses deux femmes. Ces pygmées là ne sont pas effarouchés du tout de notre approche. Ils ont l’habitude des touristes et vivent, de la chasse de porcs-épics, de serpents dont ils se régalent, de la cueillette dans la brousse tropicale très généreuse en plantes et fruits de toutes sortes, ainsi que des subsides que leur versent les visiteurs. En général, d’ailleurs, cet argent leur sert à aller acheter de l’alcool en ville. C’est malheureux mais c’est ainsi. On trouve la même chose partout dans le monde, quand le tourisme occidental s’infiltre dans les peuplades primitives. Il distille en général plus du poison qu’autre chose. C’est le cas avec les indiens d’Amérique du sud, les Inuits des pôles, les maoris de Nouvelle-Zélande, les aborigènes d’Australie. A vouloir approcher par curiosité ou par volonté missionnaire les populations primitives résistantes à la civilisation, on finit par les détruire purement et simplement, comme si l’homme n’était capable que de transmettre le mal.
Ces pygmées ne sont pas très beaux. Ils ne sont pas non plus très petits. On pourrait dire que moi aussi, avec mes 1,56 mètre, je suis une pygmée ! Les adultes ont souvent des têtes disproportionnées par rapport à leur corps. Je serre la main du chef armé de sa lance, prend des photos, et verse mon subside avant de les quitter. Pendant ce temps, mon guide entame avec les gamins une partie de foot. Tiens, cela aussi, nous semblons l’avoir transmis !
Au retour nous nous approchons des chutes. La crique dans laquelle la rivière dégringole d’une falaise est belle, paisible. Je n’ai malheureusement pas le temps de m’y attarder, ni de déguster les crevettes, car nous devons prendre le bus de retour pour Yaoundé en début d’après-midi.
Beaucoup de monde attend à la gare routière, qui tient plus du capharnaüm que d’une gare. Les gens n’ont pas de place pour s’asseoir et se débrouillent sur leurs ballots, accompagnés d’enfants incroyablement sages et patients. Il y a trois bus cet après-midi et les tickets que nous achetons ne nous permettent de prendre que le troisième, dont l’heure de départ n’est pas précisée. Nous attendons ainsi plusieurs heures, et Maï parvient à négocier un départ dans le deuxième bus.
Le voyage est une véritable épopée. Nous serons arrêtés sur la route à 6 reprises par des hommes en armes qui demandent ses papiers à toute cette foule de voyageurs entassés dans le bus. Le véhicule à la tombée de la nuit roule à tombeau ouvert pour rattraper son retard, et le chauffeur manque d’en perdre le contrôle. Des femmes alors se mettent à chanter des chants religieux, dans lesquels il est question que Dieu protège les voyageurs et fasse des miracles ! Elles chantent inlassablement le même refrain comme une litanie. Derrière nous un homme, sa femme et ses deux enfants, sont entassés sur une banquette prévue pour deux personnes, contre une montagne de bagages qui ne cessent de dégringoler sur lui. Hors de lui, il finit par jeter les sacs sur les passagers. Maï la battante le menace de lui « faire la peau » ! Tout le monde crie pour calmer les belligérants ! Je suis assise au dessus de la roue, dans la position du fœtus pendant trois heures et demie. Mes jambes sont complètement ankylosées quand nous parvenons enfin à bon port, Dieu ayant probablement accompli son miracle !
La gare routière de Yaoundé est un port, mais pas vraiment un bon ! On vient nous chercher car l’on m’explique qu’il est très dangereux d’y prendre un taxi quand la nuit est tombée. C’est la galère assurée dans le premier passage obscur qui conduit au centre-ville, même si les taxis portent des numéros et ont une licence. La licence est souvent fausse. Il faut se méfier de tout.
Je ne suis pas du tout certaine de disposer d’un véhicule pour la tournée que j’ai l’intention d’entreprendre dès demain vers l’ouest. Le véhicule proposé suppose que je paie le chauffeur et le carburant bien sûr, mais aussi l’hôtel et les repas d’un accompagnateur. J’aurais bien aimé que Maï ou Jojo m’accompagnent, et aurais été prête à ce moment là à en payer le prix. Mais ils ne sont disponibles ni l’un ni l’autre cette semaine, et dans ces conditions, je préfère voyager seule. Il est donc probable que cette expérience de voyage en bus ne soit pas la dernière de mon séjour au Cameroun !
Pendant le séjour Olivier, Modeste, et Eugène ne cessent de se débattre avec le matériel à Cotonou pour assurer son acheminement au Burkina et au Mali. Il faut des papiers pour toutes les frontières, il faut réinventorier et reconditionner les cartons. Une véritable galère que je connais bien maintenant, et je les plains beaucoup. Sans eux, à ce jour, je serais probablement encore à Cotonou. Modeste et Olivier méritent vraiment que nous leur offrions le voyage d’un mois qui est prévu avec eux à partir de lundi prochain. Je m’en réjouis. Prince, notre charmant chauffeur, nous accompagnera Modeste et moi, tandis qu’Olivier prendra le bus pour Ouaga avec la marchandise. Nous avons préféré cette solution à l’unanimité à celle du minibus de location (Junior bus qui prenait avec moi le risque de devenir Senior bus !). Elle est moins onéreuse, plus souple, plus confortable.
Nous enfourchons une moto chacun pour nous rendre sur la Lobé, rivière qui chute dans la mer à une dizaine de kilomètres de là. La route prend fin assez vite pour devenir une piste qui serpente à travers la brousse, déjà écrasée de soleil à cette heure pourtant matinale. Après l’orage de cette nuit, la journée s’annonce très chaude.
Un piroguier nous attend à l’ombre des badamiers sauvages tout près du pont qui enjambe la rivière. Nous prenons place à bord, moi devant pour admirer au mieux le paysage. Et c’est une heure de pur bonheur que cette douce et lente glissade sur l’eau verte, au rythme du clapotis léger de l’eau sur la perche ! Un moment de pleine sérénité. Le spectacle de la brousse est époustouflant. Des cascades de verdure dégringolent des arbres, des talus, et viennent plonger dans l’eau. Des arbres géants élèvent leurs cimes vers un ciel pur. Ce sont des azobés, des kapokiers, des bambous, aux pieds desquels toute une végétation épiphyte prend naissance pour grimper le long de leur tronc.
Quelques hameaux de pêcheurs jalonnent la rive. On aperçoit parfois une femme qui lave son linge, battant vigoureusement des étoffes colorées, courbée en deux, le dos parfaitement perpendiculaire à son torse. Un enfant tourne en général autour d’elle. Quelques pirogues très fines au bois clair glissent silencieusement sur l’eau ou attendent près du rivage, qu’un de ces pêcheurs aille à la recherche de tilapias, de poissons-chats, silures, aloses, etc. Mais ce sont surtout des crevettes qui sont pêchées ici, spécialité de Kribi.
La pirogue accoste sur la rive glissante de boue et couverte de végétation sauvage. Un petit sentier conduit vers le hameau de pygmées. Ce sont une trentaine de personnes qui vivent là, provisoirement car elles sont nomades. Quelques huttes de palme pour tout habitat, ces gens sont une seule et même famille composée d’un homme et de ses deux femmes. Ces pygmées là ne sont pas effarouchés du tout de notre approche. Ils ont l’habitude des touristes et vivent, de la chasse de porcs-épics, de serpents dont ils se régalent, de la cueillette dans la brousse tropicale très généreuse en plantes et fruits de toutes sortes, ainsi que des subsides que leur versent les visiteurs. En général, d’ailleurs, cet argent leur sert à aller acheter de l’alcool en ville. C’est malheureux mais c’est ainsi. On trouve la même chose partout dans le monde, quand le tourisme occidental s’infiltre dans les peuplades primitives. Il distille en général plus du poison qu’autre chose. C’est le cas avec les indiens d’Amérique du sud, les Inuits des pôles, les maoris de Nouvelle-Zélande, les aborigènes d’Australie. A vouloir approcher par curiosité ou par volonté missionnaire les populations primitives résistantes à la civilisation, on finit par les détruire purement et simplement, comme si l’homme n’était capable que de transmettre le mal.
Ces pygmées ne sont pas très beaux. Ils ne sont pas non plus très petits. On pourrait dire que moi aussi, avec mes 1,56 mètre, je suis une pygmée ! Les adultes ont souvent des têtes disproportionnées par rapport à leur corps. Je serre la main du chef armé de sa lance, prend des photos, et verse mon subside avant de les quitter. Pendant ce temps, mon guide entame avec les gamins une partie de foot. Tiens, cela aussi, nous semblons l’avoir transmis !
Au retour nous nous approchons des chutes. La crique dans laquelle la rivière dégringole d’une falaise est belle, paisible. Je n’ai malheureusement pas le temps de m’y attarder, ni de déguster les crevettes, car nous devons prendre le bus de retour pour Yaoundé en début d’après-midi.
Beaucoup de monde attend à la gare routière, qui tient plus du capharnaüm que d’une gare. Les gens n’ont pas de place pour s’asseoir et se débrouillent sur leurs ballots, accompagnés d’enfants incroyablement sages et patients. Il y a trois bus cet après-midi et les tickets que nous achetons ne nous permettent de prendre que le troisième, dont l’heure de départ n’est pas précisée. Nous attendons ainsi plusieurs heures, et Maï parvient à négocier un départ dans le deuxième bus.
Le voyage est une véritable épopée. Nous serons arrêtés sur la route à 6 reprises par des hommes en armes qui demandent ses papiers à toute cette foule de voyageurs entassés dans le bus. Le véhicule à la tombée de la nuit roule à tombeau ouvert pour rattraper son retard, et le chauffeur manque d’en perdre le contrôle. Des femmes alors se mettent à chanter des chants religieux, dans lesquels il est question que Dieu protège les voyageurs et fasse des miracles ! Elles chantent inlassablement le même refrain comme une litanie. Derrière nous un homme, sa femme et ses deux enfants, sont entassés sur une banquette prévue pour deux personnes, contre une montagne de bagages qui ne cessent de dégringoler sur lui. Hors de lui, il finit par jeter les sacs sur les passagers. Maï la battante le menace de lui « faire la peau » ! Tout le monde crie pour calmer les belligérants ! Je suis assise au dessus de la roue, dans la position du fœtus pendant trois heures et demie. Mes jambes sont complètement ankylosées quand nous parvenons enfin à bon port, Dieu ayant probablement accompli son miracle !
La gare routière de Yaoundé est un port, mais pas vraiment un bon ! On vient nous chercher car l’on m’explique qu’il est très dangereux d’y prendre un taxi quand la nuit est tombée. C’est la galère assurée dans le premier passage obscur qui conduit au centre-ville, même si les taxis portent des numéros et ont une licence. La licence est souvent fausse. Il faut se méfier de tout.
Je ne suis pas du tout certaine de disposer d’un véhicule pour la tournée que j’ai l’intention d’entreprendre dès demain vers l’ouest. Le véhicule proposé suppose que je paie le chauffeur et le carburant bien sûr, mais aussi l’hôtel et les repas d’un accompagnateur. J’aurais bien aimé que Maï ou Jojo m’accompagnent, et aurais été prête à ce moment là à en payer le prix. Mais ils ne sont disponibles ni l’un ni l’autre cette semaine, et dans ces conditions, je préfère voyager seule. Il est donc probable que cette expérience de voyage en bus ne soit pas la dernière de mon séjour au Cameroun !
Pendant le séjour Olivier, Modeste, et Eugène ne cessent de se débattre avec le matériel à Cotonou pour assurer son acheminement au Burkina et au Mali. Il faut des papiers pour toutes les frontières, il faut réinventorier et reconditionner les cartons. Une véritable galère que je connais bien maintenant, et je les plains beaucoup. Sans eux, à ce jour, je serais probablement encore à Cotonou. Modeste et Olivier méritent vraiment que nous leur offrions le voyage d’un mois qui est prévu avec eux à partir de lundi prochain. Je m’en réjouis. Prince, notre charmant chauffeur, nous accompagnera Modeste et moi, tandis qu’Olivier prendra le bus pour Ouaga avec la marchandise. Nous avons préféré cette solution à l’unanimité à celle du minibus de location (Junior bus qui prenait avec moi le risque de devenir Senior bus !). Elle est moins onéreuse, plus souple, plus confortable.