La route prend plus de quatre heures
pour joindre Bobo Dioulasso à Ouaga, deuxième ville du Burkina sur la route du Mali. Elle est belle, récente, construite par la communauté européenne. Les paysages continuent à être toujours aussi désolés : savane brûlante arborée de façon très espacée, et parfois réduite à de la terre desséchée sans aucune végétation, vagues mares d’eau boueuse où viennent s’abreuver quelques maigres troupeaux, villages en banco déserts en ce dimanche torride. On ne voit des humains que près des puits, où s’affairent en général des femmes et des enfants, et sur les quelques petits marchés que l’on croise dans les très rares villages qui bordent la route, déserte, elle aussi. Il n’y a que très peu de véhicules particuliers ici, et nous ne croisons que des cyclistes et des bus qui roulent comme des fous, instables avec leur surcharge de bagages et de passagers. Sous les 41° à l’ombre (oui, ça empire !), des femmes portent encore des fardeaux, des bidons, du bois. Quelques enfants sans âge conduisent de petites charrettes tirées par des ânes, qui doivent faire figure ici de véhicule de luxe.

Sous les arbres aussi sont souvent assis quelques groupes de femmes ou d’enfants. Ils semblent attendre. Mais attendre quoi ? Sans doute qu’arrive la pluie bienfaisante, mais qui va pendant plusieurs mois noyer leur village dans la boue. Il n’y a rien ici. Pas d’électricité d’abord. Comment peut-on passer le temps dans de telles conditions ? Je crois que c’est l’ennui plus que la faim qui me réduirait à néant si je vivais ainsi. Prince, qui a de l’humour répond à ma question : on fait l’amour toute la journée et beaucoup d’enfants ! Les gosses n’ont jamais vu un jouet, ni une image. Ils ne connaissent pas la musique ni les livres. Le moindre vieux pneu crevé devient une inépuisable source de jeux. Le passage des rares voitures offre un spectacle dont ils se suffisent. Quant à l’école, elle n’est pas évidente dans ces communes rurales. Il n’existe pas d’école partout, aucun moyen de déplacement pour s’y rendre, et les parents préfèrent souvent garder les gosses pour faire de menus travaux à la maison ou dans les champs. Les filles en particulier, si bien que de nombreuses affiches sur la route et dans les agglomérations font de la propagande pour que celles-ci soient scolarisées.

Enfin, il y a les arbres. Comment font-il ces quelques arbres clairsemés pour rester verts ? Où puisent-ils cette eau qui manque partout ? Ce sont des karités, des nérés, des neems, des manguiers, des acacias, des baobabs et des eucalyptus très maigres. Isolés au milieu de la savane, on en perçoit bien tous les contours, tous les détails. Ils sont magnifiques. Ils sont signe de vie. J’aime les arbres.

Nous parvenons à Bobo en début d’après-midi. Tous les trois nous écroulons pour une sieste qui nous tiendra jusqu’au soir. Il y a une piscine à notre hôtel. Je ne supporte plus de dormir n’importe où, et mon confort maintenant que je suis fatiguée me devient indispensable. Tant pis pour les sous !

L’hôtel, tenu par une européenne, est étonnant, mélange de décoration coloniale, maure, africaine et normande ! Etrange ! Nous y attendrons Olivier demain, qui ne peut rejoindre Bamako directement avec ses 50 cartons, et qui doit les transférer sur un autre bus ! Cette cargaison aura été un souci permanent ! Vite que tous les scrabbleurs en aient pris possession !