Articles du blog du Rallye des Mots.

Nouadhibou, 29-30 janvier

C’est Ely qui vient me chercher avec son 4X4 pour nous rendre à Nouadhibou, ville frontière du Sahara occidental, tout au nord du pays.
Occasion pour moi de discuter un peu en privé avec lui, et de confirmer mes impressions sur la nécessité de renouveler le bureau. L’idée est maintenant acquise, et lui seul peut se présenter comme candidat à une présidence valable. Le président actuel n’est pas un scrabbleur et n’a pas montré son dynamisme. Une nouvelle équipe donnera un nouvel élan.

La route de Nouakchott à Nouadhibou est facile à décrire ! Elle est rectiligne sur 500 kilomètres, et traverse un  désert uniforme et plat la plupart du temps, longue monotonie, où se succèdent de toutes petites nuances de couleurs. C’est ainsi que l’on se rend le mieux compte de l’immensité du désert. Pas grand-chose pour accrocher le regard, si ce ne sont parfois quelques tentes maures en coton blanc ou de petites baraques isolées de tout, au milieu de nulle part, dont on se demande ce qu’elles font là.

Nouadhibou est une ville blanche aux maisons basses sur l’océan atlantique. L’espace ici  ne manque pas (deux fois la superficie de la France pour seulement 3 millions d’habitants !), et les constructions ne dépassent pas souvent un étage. Nous nous rendons chez un scrabbleur, Sida, qui nous accueille dans sa maison. Nous serons rejoints plus tard par 4 ou 5 autres. La soirée se passe en tailleur sur des tapis autour d’un plateau de scrabble bien sûr, entre verres de thé sans cesse renouvelés, et dattes. L’atmosphère est très amicale, chaleureuse. Je m’imagine moi, petite bonne femme occidentale, au milieu de tous ces hommes en boubou ! On ne verra pas l’épouse qui nous a préparé à manger sans doute toute la journée. Beaucoup de travail, travail des femmes dans l’ombre absolue, toujours et partout… Je ne suis pas sûre de toujours mesurer la chance qui est la mienne !

Les joueurs joueront très tard, toujours avec le même enthousiasme. Je ne tiendrai pas jusqu’au bout. L’intérêt porté au jeu ici est incroyable. Autour de chaque plateau où s’affrontent 4 joueurs, il y en autant qui se contentent de regarder ! Un bel exemple de l’amour du scrabble que cette participation si attentive et si active des simples spectateurs. Les parties s’enchaînent tard dans la nuit et personne ne semble se lasser.

Je suis conduite chez un ami de Moulaye pour passer la nuit, tandis que les joueurs dormiront dans la pièce où nous avons joué. Moulaye lui, ne me quitte pas, et dormira dans la pièce d’à côté. C’est une de ces maisons construites par la SNIM pour ses employés en lotissements. Chaque partie du lotissement correspond à un grade dans l’entreprise, et les maisons d’une même catégorie de personnel sont toutes semblables. L’ensemble est plutôt agréable. Il y a quelques arbres et beaucoup d’oiseaux qui viennent y faire halte sur leur longue route de l’Europe vers l’Afrique. Il y a la mer, toute proche, dont on sent la brise, et le temps est absolument superbe, même si mes amis mauritaniens ont l’air de considérer qu’il fait froid !

La SNIM est la principale entreprise de Mauritanie. Elle exploite et achemine le minerai de fer extrait dans le nord du pays à Zérouate. Un immense train fait la liaison entre Zouérate et Nouadhibou. Ce sont des centaines de wagonnets d’aspect rouillé et uniforme qui sont tirés par une locomotive et passent trois fois par jour sur cette voie ferrée en plein désert. Un spectacle un peu surréaliste ! C’est l’unique liaison ferroviaire du pays. Nouadhibou est d’ailleurs une ville industrielle, mais dans un environnement naturel exceptionnel : celui du banc d’Arguin, réserve classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité.

Ce matin visite du Cap Blanc et de sa presqu’île après le petit déjeuner chez Sida. C’est la rencontre des sables et de la mer, du désert du Sahara Occidental et de l’océan atlantique. Ici vivent les derniers phoques moine de la planète. Superbe ! Une grosse épave de navire est échouée là. Au nord et au sud de ce point c’est une « plage » immense ! Photos.

Durant ces deux jours, je vis totalement à la mauritanienne et avec les mauritaniens. Déjeuner vers 14h30 après la prière, devoir auquel tous les scrabbleurs s’acquittent, et pendant lequel je m’éclipse discrètement. Puis scrabble et encore scrabble, toujours sur le tapis, et j’ai encore des progrès à faire pour que mes articulations s’adaptent à ce que je leur fais subir. Je change régulièrement de position pour ne pas m’ankyloser, cherche l’appui d’un ou deux coussins, mais ce n’est pas toujours facile.

Le niveau des scrabbleurs est bon, mais ma pratique du duplicate, avec ce qu’elle comporte d’exigences par rapport au classique, me permet le plus souvent de gagner, et ce, malgré des erreurs évidentes de stratégie. Je m’amuse à ces défis, souvent bon enfant, toujours amicaux, et surtout tellement passionnés que n’importe qui s’y laisserait prendre !

Le dîner est servi aux environs de 22h30. C’est toujours un ou deux plateaux, posés à même le sol, et dans lequel tout le monde plonge les mains. On m’apporte une cuillère ou une fourchette, et je remercie mes hôtes pour cette compassion. Car sinon, il faudrait rouler dans la main les frites et le riz en sauce avec une bouchée de poisson, de façon à former une boulette compacte que l’on porte à sa bouche. Pas évident pour quelqu’un qui a été élevé à l’occidentale et qui a toujours entendu l’interdiction de mettre les mains dans le plat ! Nos gosses en tous les cas se régaleraient de manger ainsi !

Et l’on joue, jusqu’à épuisement…

Ainsi se passent ces deux jours. J’ai l’impression de m’être faite des amis.

Rallye 2007-2008

Nouakchott, 28 janvier 2009

Beaucoup de choses se sont passées durant ces deux jours.

La première réunion avec la Fédération Mauritanienne de Scrabble, le 25 au soir, m’a beaucoup intéressée. De l’ancienne équipe, celle en place aux heures de gloire scrabblesque du pays, (puisqu’en 2003 un mauritanien a été champion du monde), il ne reste que deux membres actifs, et la fédération semble s’être bien assoupi. Ils ne sont que 4 à cette réunion : le Président (Alyoun) qui n’est pas un scrabbleur, le 1er Vice Président (Ely) qui a été mon correspondant pour le Rallye, le Secrétaire Général (Brahim) et le trésorier (Keba). Très vite, on comprend qu’ils ne sont guère épaulés par qui que ce soit, et que la fédération vivote gentiment, sans véritable vie institutionnelle. Le Président n’a pas un mandat défini. Il n’y a pas eu d’Assemblée Générale depuis longtemps, ni d’organisation de championnats nationaux ou même de tournois. L’activité se pratique partout de façon informelle : des groupes de scrabbleurs se réunissent régulièrement au domicile de l’un deux pour des parties classiques, et même si certains sont extrêmement mordus, elle ne dépasse pas ce petit cercle. Partout dans le pays, le scrabble se pratique entre amis et en famille. Le potentiel de joueurs est donc très important, ainsi que la passion qui s’exprime dans leurs activités, mais ce potentiel reste inexploité. Contrairement au Burkina Faso, où j’ai rencontré une situation comparable, la Mauritanie a cependant un véritable passé de fédération. La fédération mauritanienne a un agrément et est affiliée au Ministère de la Jeunesse des Sports et de la Culture, depuis déjà longtemps.

Mes interlocuteurs semblent intéressés à relancer la vie de l’association, et m’accueillent dans ce but. Nous convenons de la nécessité de convoquer une Assemblée Générale en ma présence pour renouveler l’actuel bureau, et mobiliser le plus possible les scrabbleurs mauritaniens pour qu’ils s’organisent. Un tournoi est prévu le soir du 28 à Nouakchott dans ce sens. Mais tout est à faire : mettre en place un organigramme efficace et trouver des candidats, recenser les joueurs, relancer les pouvoirs publics, organiser des Ligues Régionales, ce dernier point étant particulièrement important compte tenu de la superficie du pays, des difficultés de communication qu’on y rencontre, et de la faiblesse des équipements informatiques. Un programme d’activités 2009 devra être établi à la suite de l’AG.

Nous parvenons sans difficultés à établir un planning pour ma tournée dans le pays, conciliant travail en région et intérêts touristiques. Le planning me convient, et les moyens mis à ma disposition sont excellents : 4X4 avec chauffeur et accompagnant permanent. Tout s’annonce donc bien. Je suis contente de ce démarrage facile.

Le 26 au matin, rencontre avec le Ministre de tutelle. Le rendez-vous prévu à 11 heures est décalé à 13 heures. Tout s’organise par téléphone portable, devenu le véritable outil de base de la vie relationnelle africaine. Tandis que j’attends devant le Ministère que le Ministre soit disponible, une femme s’approche de moi en souriant comme si elle me connaissait. C’est une vendeuse rencontrée dans le centre artisanal à Ouagadougou et qui reconnaît la cliente qui lui a acheté un sac il y a quelques mois ! Me voilà devenue populaire en Afrique ?

Comme à chaque rencontre ministérielle, l’accueil est très favorable. Il n’est nul besoin de convaincre beaucoup de l’intérêt de notre activité qu’il s’agisse du plan sportif, du plan culturel et linguistique. Mais derrière cette courtoisie, rien n’est joué. Il faudra relancer de façon très active, sur des objectifs précis, inscrits dans un calendrier. Il faudra faire la preuve du dynamisme de la fédération. A la Fédération Mauritanienne maintenant de jouer !

Dans la journée, les 4 responsables de la fédé mauritanienne travaillent, si bien que je suis libre jusqu’au 28 au soir, date du tournoi. Je décide de consacrer ce temps à visiter le Tagant : un des plateaux désertiques du cœur de la Mauritanie, moins touristique que l’Adrar qui clôturera mon périple. La journée suffit à organiser les choses : location de véhicule, préparatifs divers, sac adapté au bivouac, etc. Il est tard en soirée lorsque nous démarrons et nous devrons dormir en route.

La sortie de Nouakchott est difficile. Comme dans beaucoup de villes africaines les embouteillages sont légion, le respect du code de la route très aléatoire, la signalisation absente, et le klaxon omni présent : il avertit que l’on arrive, que l’on dépasse, que l’on veut passer, que l’on n’est pas content ! Toute la ville retentit du bruit incessant des klaxons jusqu’à la nuit qui, elle, est étonnamment calme, car la vie nocturne de Nouakchott n’est pas très animée. Elle reprend à 6 heures du matin, avec le premier appel à la prière que même le dormeur le plus émérite ne pourrait pas ne pas entendre tant l’amplification au micro est forte. Le nom d’Allah résonne alors dans toute la ville.

Très vite, sur la route de Tidjikja, notre destination, la nuit tombe, si bien que l’on ne voit pas grand-chose. Le temps de se ravitailler en gaz oil que nous transportons à l’arrière du pick-up dans des bidons, en eau et en produits de grignotage : cacahuètes, bananes et biscuits seront suffisants pour ce soir. Nous roulerons jusqu’à 23 heures dans la nuit presque sans arrêt, sauf pour les prières du soir qui se font sur le bord de la route, quelques fidèles voyageurs se regroupant. Lorsque nous apercevons les premières dunes dans la nuit, je craque ! C’est là qu’il faut s’arrêter ! Mes compagnons de voyage, Moulaye mon ange gardien et Salek notre chauffeur, ne sont pas contrariants. Le 4X4 bifurque en pleine brousse pour se rapprocher des dunes dont le profil se dessine dans la nuit très étoilée.

Salek fait un feu avec quelques brindilles, prépare le thé dont il ne se sépare jamais en faisant chauffer l’eau sur son petit camping gaz. Le rituel du thé est sacré ici. On en boit toute la journée de petits verres très sucrés, et sa préparation obéit à une procédure stricte : rinçage des verres, multiples transvasements d’un verre à l’autre pour que le liquide mousse, puis première dégustation par celui qui le prépare, avant d’être enfin servi aux hôtes qui devront en boire trois verres. C’est délicieux, et Salek semble particulièrement bien s’y connaître !

La nuit est un festival d’étoiles. Au dessus de mon duvet, scintillent des millions d’étoiles et la voie lactée cotonneuse semble à portée de mains. Je suis parfaitement équipée : petit oreiller ergonomique de voyage, duvet en plumes d’oie, pyjama polaire. Rien à craindre du froid. La température descendra aux environs de 8 ou 10° mais je suis totalement au chaud dans mon sarcophage douillet ! Pour moi c’est le bonheur ! Je tarde à fermer les yeux tant je me réjouis du spectacle de ce ciel que seul le désert permet de voir.

Nous nous éveillons à l’aube et je découvre le paysage, peu visible hier soir : les dunes sont parsemées de petits acacias en forme d’ombrelles. Nous plions bagages et repartons pour prendre un petit déjeuner quelques kilomètres plus loin, sous une tente maure installée au bord de la route. Le patron fait mine de croire que je ne suis pas une femme avec mes cheveux coupés très courts. Nous plaisantons volontiers sur le thème. Très sympa.

Le paysage découvert à partir de ce point est fantastique : petits oasis verdoyants aux pieds de dunes blondes gigantesques, alternance de regs noirâtres et de terre rougeoyante, mélanges de sables orangés et blancs, puis mer de dunes douces et basses qui dessinent à perte de vue des mouvements ondoyants de corps de femme. Jamais je ne me lasserai du désert sous toutes ses formes.

C’est une véritable fascination. Au pied de la passe d’Echetf, qui grimpe sur le plateau du Tagant, nous sommes arrêtés par des gendarmes, comme cela est le cas toutes les vingt minutes au moins sur cette route. Car nous sommes exactement ici sur le lieux récents de l’assassinat de la famille française et les autorités mauritaniennes ne lésinent pas sur la sécurité.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée ici, pour dénoncer la façon dont les médias ont relaté cette triste histoire. Al Qaida a bon dos ! Il s’est en fait agi d’une action de brigandage, conduite par des délinquants fraîchement échappés de prison, et qui tentaient de gagner le Mali par le désert. Jamais aucune revendication terroriste n’a été effectuée, et les brigands ont été très vite arrêtés et écroués à nouveau. Depuis, on ne cesse de dire chez nous que la Mauritanie est un pays dangereux, que l’islamisme le plus intégriste y règne, et que le touriste est en grand danger. Tomber sur des brigands en plein cœur du désert me paraît un risque infiniment moins probable que de se faire braquer n’importe où en France chez un commerçant, que de se prendre de plein fouet un chauffard qui conduit à contresens sur l’autoroute, que de se trouver victime d’attentat dans n’importe quelle gare parisienne. Personnellement, je me sens en parfaite sécurité dans ce pays, et en tant que femme dans tous les pays où règne l’Islam.

Revenons donc à ces gendarmes ! Ils jouent à la pétanque ! Cela tombe bien car Moulaye est un champion de la fédération mauritanienne de pétanque. Nous voilà donc en pleine partie, et moi au milieu des hommes en uniforme vert, la boule à la main, essayant de marquer quelques points ! Effort inutile, je suis nulle à ce jeu. Mais, faisant équipe avec Moulaye, nous gagnons tout de même. Cette anecdote pour décrire le climat que font les régner les militaires au pouvoir dans ce pays si insécurisant !

Du sommet de la montagne de pierres rouges où grimpe notre 4X4, la vue sur la mer de dunes qui entoure le village en contrebas est fantastique. Les maisons mauritaniennes sont très cubiques et la ville dessine une véritable mosaïque. Les sables dansent autour d’elle dans des mouvements ondulants perpétuels, jusqu’à l’horizon. Lumière douce du matin sous un ciel parfaitement bleu. Photos.

Nous bifurquons plus loin sur une piste, espérant rejoindre la ville ancienne de Rachid, que le Routard décrit comme intéressante. La piste de 70 kilomètres se fraye un passage dans le sable entre des buissons d’épineux bien ras ou d’acacias maigrelets. Le véhicule ne peut plus rouler qu’à faible vitesse, si bien que je profite de l’occasion pour grimper dans la partie arrière du 4X4 ouverte sur l’extérieur. Un vrai régal car je peux alors voir tout ce que nous croisons, comme si je marchais à pied. Le détail de chaque tronc d’arbre, des pierres qui nous barrent le chemin. Le soleil est fort et les cahots sont très inconfortables sur cette plateforme de ferraille. Il faut m’accrocher bien fort aux barres latérales pour limiter sur mon dos les effets des dos d’âne et les sursauts que créent les passages des rochers. La route est très longue et parfois la piste disparaît ou se sépare en plusieurs branches. Salek est un bon chauffeur et se débrouille comme un chef. Malheureusement, lorsque nous apercevons enfin en milieu d’après midi ce que nous croyons être Rachid, nous découvrons qu’il s’agit de Tidjikja et que nous avons probablement raté le bon embranchement. Même pas grave, n’est ce pas ? L’essentiel est la balade, et elle était réjouissante.

Déjeuner dans une auberge maure qui se résume à une seule pièce couverte de tapis et entourée de matelas au sol. La télé hurle un peu fort à mon goût, passant en boucle une interview d’Obama dont personne ne semble se lasser. Seule la prière de Salek et de Moulaye me donne quelques instants de répit ! Cette ville est très isolée du reste du pays, et semble comme à l’abandon. Dans l’entrebâillement de la porte la rue est inondée de soleil et des gens passent. Je m’émerveille des couleurs de leurs vêtements qui défilent devant mes yeux. Les boubous bleu lavande ou blancs des hommes, soyeux et chatoyants avec leurs  broderies dorées. Les chèches blancs, bleu indigo ou noirs. Et les femmes joliment drapées de la tête aux pieds dans leur voile d’organdi pastel. Il faudrait être photographe à ce moment là pour immortaliser le passage merveilleusement bien cadré de chacun de ces personnages. Mais je ne suis que piètre photographe, et absolument incapable de prendre quoique ce soit en contre-jour.

Le plat de crudités que l’on nous sert est magnifique. Chaque ingrédient est disposé en lignes et l’ensemble forme une composition colorée digne d’un tableau contemporain. Nous commandons un plat de poisson à emporter pour notre dîner sur les dunes. Car bien sûr, nous bivouaquerons à nouveau ce soir. Balade dans la ville totalement délabrée où nous rencontrons une bande de joyeuses petites filles qui nous guident à travers les ruelles en ruine. Elles se réjouissent des photos dont elles peuvent regarder le résultat immédiat sur l’écran de l’appareil. Tous les enfants du monde, à ce moment là, ont le même regard ébahi et adorable ! Et plus encore ceux qui ne sont pas habitués à l’image.

Nous trouvons pour la nuit un cordon dunaire qui surplombe un très bel oued, bordé d’une palmeraie. Malheureusement le paysage est gâché par tous les déchets qui jonchent le paysage. Ici, on est loin encore de toute préoccupation environnementale, et Salek et Moulaye se moquent un peu de moi quand je les réprimande de jeter sur la route un sac en plastique, ou quand je leur demande de brûler les déchets derrière nous. La nuit sera fraîche, surtout pour Salek, un éternel frileux qui continue de porter la capuche de son jogging en plein milieu de la journée sous les 30° d’un soleil brûlant ! Quant à Moulaye, il est du genre insomniaque, et veille toute la nuit sur nous à écouter nos ronflements ! Douce nuit trop courte, où je rêve que Sarko et sa Clara viennent nous rendre visite dans le HLM de mon enfance, et que je dois absolument nettoyer à fond les toilettes avant qu’ils n’aient envie de faire leurs besoins !

Nous devons nous lever à 5h30 pour lever le camp très tôt. Ce soir à 18 heures un tournoi nous attend à Nouakchott et nous avons encore à faire les 600 kilomètres du retour sur cette route rectiligne, long ruban gris qui grimpe de dune en dune. J’ai très sommeil pendant une bonne partie du parcours.

Retour à l’hôtel Chinguetti Palace où je retrouve mes affaires ainsi que Soulemane, le serveur du restaurant. Je lui ai beaucoup manqué ! Il veut venir me voir dans ma chambre ce soir ! Il ne croit pas que j’ai 60 ans !

Le tournoi a lieu dans la salle d’une mairie d’arrondissement. Il est précédé d’un petit discours de ma part et d’une discussion pour sensibiliser la vingtaine de scrabbleurs présents à la prochaine assemblée générale et à la nécessité de s’organiser. Les scrabbleurs mauritaniens sont tous des hommes et la moyenne d’âge est élevée. C’est que la politique d’arabisation récente a considérablement affaibli la présence de la langue française chez les jeunes. Il n’existe pas dans le pays de volonté de défendre la francophonie. C’est une difficulté considérable pour l’avenir de l’activité dans ce pays.  Je ne participe pas au tournoi car je suis fatiguée et qu’il y a un joueur en trop. La salle n’est pas du tout configurée pour permettre un jeu en parties libres. Peu importe ! Les joueurs s’assoient par terre dans les couloirs et le tournoi commence. On joue en paire, donc à 4.

Moulaye m’accompagne à travers les rues complètement ensablées de Nouakchott pour rejoindre mon hôtel tout proche. Ce n’est pas très facile avec mes ballerines en satin, mais bon !

Nouakchott, 25 janvier 2009

C’est le chant du muezzin qui me rappelle à 6 heures où je suis. Mais je laisse encore bien longtemps le chant se poursuivre et s’éteindre avant de me rendormir.

Une réunion est prévue en soirée, et j’ai quartier libre pour la journée. Moulaye Zein vient me chercher à 10 heures pour visiter la ville. Grande conversation avec le serveur du restaurant dans une immense salle carrelée et vide. Je sais vite tout de sa vie et de sa décision de rester célibataire car, les mauritaniennes, d’après lui, ne savent pas aimer ! Il connaît Marseille, par quelqu’un de sa famille, qui lui a raconté. Et il évoque comme si il y avait été lui-même la place Felix Piat, la Ciotat, le Vieux Port. Cette ville a en Afrique et dans cette partie du monde seulement la réputation qu’elle mérite. Il suffit de dire que l’on est originaire de Marseille pour que les gens sourient. Il n’est pas encore 10 heures du matin que le serveur m’a déjà invité à dîner chez lui !

Moulaye est à l’heure. Moulaye dit lui-même que de ce point de vue, il n’est pas africain ! Nous allons sur le marché Capitale changer de l’argent au noir. Il est encore très tôt et ce n’est pas l’affluence, mais je m’émerveille devant les bazins magnifiquement colorés qui sont étalés sur le sol. C’est un dédale de boutiques et d’étal hétéroclites. Le vendeur au noir nous rejoint quelque part, et le change se fait en plein milieu de la rue et entourés de badauds qui savent bien que l’on aura aussi besoin d’acheter du crédit téléphonique ! Voilà qui est fait. La monnaie mauritanienne est l’ouguyia que seuls les scrabbleurs de bon niveau connaissent !

Le chauffeur nous conduit ensuite sur le marché aux poissons installé au bord de la plage. Une des plages les plus longues du monde, avec plus d’un millier de kilomètres du sud du Maroc jusqu’au Sénégal ! Le temps est assez couvert, mais le soleil arrive de plus en plus à filtrer au cours de la journée. Il fait plutôt frais, mais bon. Les pirogues à cette heure sont déjà en mer. On les voit près de la côte, leur profil tout effilé dans la lumière. Il suffit de passer une petite barre pour se retrouver ici dans les eaux les plus poissonneuses du monde ! En ce moment c’est la saison du loup. Les pêcheurs lancent de grands filets qu’il leur suffit ensuite de traîner sur la plage. C’est une scène magnifique ! Les pirogues rangées les unes contre les autres sont toutes décorées de motifs de couleur. Ici, un charretier avec son petit âne. Là, une chèvre. Et des gens, des femmes qui lavent les poissons, des hommes qui les trient en deux tas en les jetant à terre sous le regard d’une foule de badauds. Il y a là des chambres frigorifiques impressionnantes, car la Mauritanie est un des plus gros exportateurs de poisson du monde. Les prix sont ahurissants : 3 € pour un énorme bar par exemple… Il faudra que je revienne en soirée à l’heure où les pirogues rentrent sur la plage, d’autant plus que la batterie de mon appareil photo, comme d’habitude, me lâche au meilleur moment !

J’offre à Moulaye et à Jacob un déjeuner dans un des seuls hôtels situés sur la plage de Nouakchott. La Mauritanie ne fait rien pour exploiter la magnifique manne touristique qui est la sienne avec ce littoral. Pas très envie dans cette république islamique de voir débarquer les touristes occidentaux dans leurs bermudas et leurs bikinis ! Je les comprends ! La daurade grillée servie sous une paillote  à même la plage est excellente. Mais bien chère ! Il va falloir éviter ce genre de lieu à l’avenir… Mais le soleil est un bonheur après ces mois d’hiver que nous avons connus, l’air est doux, la plage quasiment déserte si bien que l’on entend parfaitement le roulement des vagues.

La réunion qui devait avoir lieu à 17 heures est reportée à 20 heures. OK ! L’atmosphère ici ne donne pas envie de stresser.  

Rallye 2009