Encore une journée bien remplie, qui démarre à 8h30 et se termine aux alentours de minuit.

Plusieurs chevauchées de zems dans la journée pour se rendre d’un point à un autre. Claude découvre avec ahurissement le phénomène ! Il y a des moments où je me sens en grand danger, lorsqu’en particulier le soir les gens sortent du travail. Mais rappelons, qu’ici il n’y a pas de taxis urbains qui fonctionnent à la course, ni de moyens de transport en commun. Donc pas le choix en attendant que l’on résolve le problème de la voiture.

Le matin, le transitaire maritime, dont j’attends le devis pour la livraison du matériel depuis deux jours, m’annonce que, de toute façon, avant le 19 ou le 20 février il ne sera pas possible de le récupérer, alors que le navire a accosté le 12. Question de paperasses paraît-il. Cela me paraît incroyable. Ce retard va modifier encore une fois notre planning, en laissant trois jours consécutifs peut-être utilisables pour le repos et le tourisme. Enfin, je l’espère. Ici, en Afrique encore plus qu’ailleurs, je suis contrainte d’attendre, d’attendre encore, moi qui ai horreur de ça !

Dans l’après-midi, nous sommes reçus par le Directeur de Cabinet du Ministre des Affaires Etrangères en charge de la Francophonie, bel homme mince et fin, vêtu d’un somptueux boubou jaune clair. Je ne regrette pas d’avoir embêté Claude en lui demandant de troquer son t-shirt rouge, son pantalon de randonnée et ses sandales, pour ce rendez-vous, très officiel, sous l’effigie du Président de la République béninoise !

Je réédite mon discours sur la nécessité d’un partenariat du Ministère avec notre activité, sur les liens naturels que nous avons dans le domaine de la Francophonie, sur les attentes qui sont les nôtres pour le futur, et dans l’immédiat, compte tenu de nos grosses difficultés logistiques. Une communication interministérielle en Conseil des Ministres est en cours. Le Ministère de la Jeunesse ne semble rien avoir fait pour l’activer, c’est le moins que l’on puisse dire ! Que donneront à terme toutes ces démarches ? Seront-elles de nature à nous faciliter la vie dans les semaines à venir ? Permettront-elles à la Fédération Béninoise de trouver de nouveaux appuis ? Je ne maîtrise pas suffisamment l’ensemble des codes et des modes de fonctionnement de ce pays pour en avoir une quelconque idée, mais mes amis béninois paraissent confiants.

Après-midi dans deux écoles secondaires, où le Scrabble se pratique comme activité ludo-éducative. Ce sont des collèges catholiques. La vétusté des classes est frappante et me rappelle les écoles de mon enfance, il y a maintenant 50 ans ! Les élèves sont en uniforme beige, si bien que de loin on croirait rentrer dans une cargaison militaire. Partout des slogans moraux indiquent en grosses lettres qu’il ne faut pas faire ceci ou cela, et d’autres, au sens plus religieux exposent des maximes. Tout dans cette école, l’architecture, l’affichage des slogans, les élèves me rappellent très fortement la Chine populaire. Les élèves sont très nombreux par classe. Plus d’une cinquantaine à mon avis dans cette classe de filles du dernier lycée visité. Photo réglementaire, moi près de la sœur en blanc ! J’en connais beaucoup que cela va amuser !


Le soir est consacré à une réunion, que j’ai plus ou moins demandée, pour faire le point sur la situation. A mon habitude, je conduis les débats. Je ne peux pas m’en empêcher quand je veux atteindre rapidement mon objectif. Bien sûr, la réunion commence avec presque deux heures de retard. C’est ainsi, il faut s’y faire, et Claude ne me paraît guère plus patient que moi !

Chaque point de l’ordre du jour est consacré à un aspect de notre planning, une manifestation, une animation, une formation prévues. Je m’efforce de faire le point de ce qui a déjà été accompli, de ce qui reste à faire, de vérifier que les choses sont bien entre les mains de quelqu’un, et qu’elles ne seront pas improvisées. Rien pour nous que du normal, que les Béninois vivent comme de la suspicion ou de l’ingérence de ma part. J’évoque aussi des aspects qui n’avaient jamais été abordés jusque là : la question de la contribution financière de la FISF aux opérations promotionnelles prévues par la fédération béninoise, la question de la prise en charge des hébergements, des modes de transport, des frais de repas de nos accompagnants. Autant de points qui nous paraissent évidents et qui, je le sens bien ici, sont des points qui fâchent, qui fâchent en tous les cas lorsque j’affirme que n’ayant aucun budget pour tout cela, il n’est pas question que l’on compte sur moi pour tout !

J’ai maintenant compris plusieurs choses :
Les ambitions des Béninois pour ce Rallye dépassent très largement les moyens quasiment inexistants dont ils disposent, et sans doute comptaient-ils implicitement sur la générosité de la FISF pour maintenir tout de même un tel programme. Mieux vaut évoquer les questions financières avant qu’après, au risque de décevoir ou de se fâcher. J’explique que nous comptions sur leur prise en charge des opérations sur place, ainsi que de toute la logistique qu’ils avaient promise et qui leur avait été promise, et que je ne peux en aucun cas modifier mon budget en tenant compte des défaillances qu’ils rencontrent. Je sens que j’agace mes interlocuteurs, que je les déçois. Je sens aussi que ma volonté de tout vérifier, issue il est vrai du manque de fiabilité que j’ai vécu de leur part cette semaine, les irrite, comme si je me mêlais de ce qui ne me regarde pas. Je maintiens que responsable de l’opération, je suis aussi responsable de son succès, et qu’il m’appartient donc de vérifier en amont que les dispositions ont été prises en conséquence. Les réponses bien peu précises, « nous nous débrouillons », « oui, oui, cela a été fait », ne me rassurent pas beaucoup !

Ok, j’accorde donc ma confiance. J’espère que mes inquiétudes sur l’organisation sont effectivement injustifiées.

Enfin, la question de la communication médiatique nous divise. J’affirme avec fermeté qu’il est hors de question de donner quelque contribution financière que ce soit à des journalistes pour que l’évènement soit couvert, comme cela est monnaie courante ici. J’explique les raisons déontologiques de cette position. Je sens bien que je ne suis pas comprise, et que l’on me ressent comme d’une rigidité idiote. Si les journalistes ne couvrent qu’un évènement pour lequel ils sont payés, je plains les pauvres Béninois ! Où est alors la liberté de la presse ?

C’est un peu tendus que, finalement, bien tard,  nous nous séparons. Pour ma part, je suis épuisée. Heureusement que les trois jours suivants seront des jours de farniente à la plage.