La nuit a tenu ses promesses de fraîcheur et de lit confortable. Dès 8 heures, je suis sur la plage et la marée étant basse, il est possible de se baigner. C’est une occasion rare sur ce littoral du golfe de Guinée, où les vagues sont très fortes, la profondeur importante et les sables plutôt mous. Ici, une barrière rocheuse naturelle et pourtant totalement rectiligne, protège la plage. Une plage protégée, où ne peuvent pas sévir tous les dangers de la plage du centre ville où  il n’est pas du tout conseillé de s’aventurer.

C’est dimanche. Encore dimanche ? J’ai l’impression que les dimanches se succèdent à une allure folle ! Prés de notre hôtel, ce sont des hameaux de pêcheurs excessivement pauvres, plus proches du bidonville que du village. Des jeunes jouent au foot depuis des heures. Des gamins se baignent en chahutant. Quelques chiens courent sans but. Mais tout ce monde reste à l’écart de notre plage pour blancs que surveille un garde en uniforme. Nous sommes dans un îlot ou un ghetto pour riches. Nul grand-luxe pourtant sur ce Coco Beach, mais le confort de bains de soleil avec matelas, de paillottes qui fournissent de l’ombre, d’un restaurant en plein air, d’un joli décor de palmiers. Les infrastructures touristiques sont très rares ici, et Coco Beach un des seuls établissements de ce type à Lomé.

Je compte rester ici quelques jours, en attendant le départ pour le Cameroun. Claude s’en va mardi soir. Prince reste avec moi pour me ramener sur Cotonou jeudi, jour où je prends mon vol pour Douala. C’est génial ! A chaque pays ce sera une nouvelle aventure, des gens différents, des problématiques spécifiques à régler ! Je pourrais voyager ainsi durant des années sans lassitude, sans m’ennuyer de quoi que ce soit. Le seul point important pour moi est qu’il y ait de la diversité et que, jamais, je ne me retrouve dans une situation routinière. Ce voyage va me le permettre pendant trois mois.

Cet après-midi, grande cérémonie en l’honneur de la création de la nouvelle fédération togolaise, et du Rallye des mots.
Nos amis nous ont fabriqué des costumes africains qu’ils nous ont demandés d’essayer hier soir ! Claude et moi sommes donc dans des costumes assortis, lui chemise et pantalon, moi robe longue et turban sur la tête ! Je crains le pire ! Je promets d’envoyer les photos au plus vite ! Il y a environ 60 personnes, dont un certain nombre de journalistes locaux et deux télés. Un animateur conduit l’après midi, avec une certaine maladresse d’ailleurs. Je prends la parole la première pour expliquer le Rallye de la Fisf, et exprimer ma satisfaction à voir naître une fédération de Scrabble unifiée. Puis, les délégués des clubs procèdent au vote de validation du nouveau bureau. Adopté à 15 oui contre 1 non. C’est un succès !

Des djembes rythment le passage d’une séquence à l’autre : poème et rythmes très soutenus que les participants accompagnent de claquements de mains. Carlos fait son discours, en tant que président. Kekeli, vice président restera silencieux pendant toute la cérémonie. Je regrette un peu qu’on ne lui ai pas donné la parole ou qu’il ne l’ait pas prise. Nathalie, nommée Secrétaire Générale, explique les différentes fonctions des membres du bureau et présente les commissions.

Enfin remise du matériel et l’après midi se clôture par un tournoi amical en parties libres. Autour de chaque table, une dizaine de spectateurs observe la partie en silence. C’est sympa.

Combien de temps cette union va-t-elle durer ? Peut-on affirmer que désormais et définitivement il n’existe plus qu’une seule fédération togolaise de Scrabble ? Je voudrais pouvoir répondre par l’affirmative, mais il me paraît encore bien tôt. Je crains que les vieilles querelles ne ressurgissent un jour à l’occasion du premier différent venu. Que les frustrations engendrées dans le clan de Kekeli ne parviennent pas à s’apaiser tout à fait si Carlos ne sait pas lui laisser sa place. Affaire à suivre dans les mois et les années qui viennent…

En tous les cas, pour le Rallye, le Togo aura été une étape très agréable, riche de rencontres, touristiquement intéressante, et couronnée de succès au plan du résultat. Quand je vois le matériel livré, dans ces cartons qui commencent déjà à avoir bien souffert, j’éprouve une grande satisfaction qui, à elle seule, justifierait le Rallye. Il a été si difficile de collecter tout cela, de l’inventorier, de le répartir, de l’acheminer jusqu’ici ! Rétrospectivement, il me semble que cela est un premier exploit !

A l’avenir d’ailleurs, il faudra réfléchir sur cette expérience, si l’on veut que le Rallye se poursuive. Sans en avoir référé à la Fisf, il m’apparaît de plus en plus que les « métiers » qu’exige une telle opération, n’ont rien à voir avec les métiers d’une fédération sportive. Il faudrait un logisticien qui prenne en charge tout le matériel, son regroupement et son acheminement. Un responsable de la communication médias qui s’attache plusieurs mois à l’avance à faire parler de l’opération. Un comité qui regroupe au niveau international des bénévoles motivés, capables de démultiplier dans tous les pays dont ils sont issus, les informations et les opérations de soutien au projet, en Occident comme en Afrique. Un responsable du suivi sur le terrain des actions déjà effectuées, ce qui suppose une communication permanente et régulière avec les correspondants de chaque pays, responsable qui devrait assurer dans son pays le suivi du jumelage. Un responsable enfin de la recherche de sponsors permettant de financer les opérations annuelles.

Le statut d’une telle organisation devrait être celui d’une ONG, permettant d’obtenir sans problèmes l’exonération des taxes douanières et les laisser passer pour franchir les frontières. Nous avons perdu beaucoup de temps et d’argent à obtenir des documents que ce statut nous aurait permis d’avoir tout de suite. Par ailleurs, dans la recherche de partenariat un tel statut nous faciliterait grandement la vie, puisque les donations qui seraient sollicitées seraient exemptes elles aussi d’impôts et de taxes.

Enfin, je dirai qu’une telle organisation ne peut être managée avec efficacité que dans une structure dédiée, qui agit avec beaucoup de réactivité, et dont les membres connaissent parfaitement la situation sur le terrain, au point de vue administratif et logistique comme au point de vue scrabblesque.

Olivier, Claude et moi avons largement débattu de cette question et nous semblons d’accord. J’espère que dès le retour en France, elle pourra être abordée avec la Fisf et avec les fédérations fondatrices pour être mise en place dès la prochaine édition du Rallye. L’idéal serait de pouvoir l’annoncer à Dakar. « Tu vas trop vite », me dit on souvent ! Oui, peut-être, mais la vie est courte, non ? Et puis n’a-t-on déjà pas perdu assez de temps, quand on pense que les fédérations occidentales de Scrabble ont attendu 30 ans pour se préoccuper de la promotion du jeu en Afrique francophone, où le français est parlé par 80 millions de personnes, où le jeu est si populaire, et où se nichent tant de jeunes talents ?