Un jour qui n’existe que tous les quatre ans, et c’est tant mieux !

Debout 6 heures. Nous avons rendez-vous avec une télévision locale à Bohicon, que nous avons longuement attendue la veille. Là, simulacre de remise du matériel dans la rue et interview sur le trottoir. Bon, passons !

Le programme d’aujourd’hui prévoit d’aller à Savé. Il faut deux bonnes heures pour s’y rendre depuis Abomey. Au fur et à mesure que l’on s’approche le paysage prend du relief et apparaissent de gros blocs de granit arrondis qui forment des collines. Nous sommes dans la région des Collines, précisément.

A Savé existe un club. Le président de la Ligue régionale qui couvre cette commune n’a pas pris la peine de nous accompagner.

Rendez-vous avec un directeur d’école, au demeurant charmant. Aucun contact préalable n’a jamais été pris avec lui. Rendez-vous avec un Maire, absent comme d’habitude … Nous sommes reçus par un adjoint. C’est aussi la première fois que la mairie est contactée. Mais que faisons-nous là ? Le travail du Rallye des Mots ou la promotion locale à la place de la Fédération béninoise, du président de la ligue régionale ?

Programme touristique enfin ! On nous propose de gravir une de ces collines pour aller voir une grotte. Ni Claude ni moi ne nous sentons le courage sous une telle chaleur de crapahuter pendant une demi-heure ! Nous choisissons d’aller voir un musée de masques. Il est fermé.

Nous rentrons alors sur Cotonou où nous arriverons à 17 heures, après une très courte pause déjeuner, où je n’ai le courage d’avaler que quelques cacahuètes, devant la tête de poisson que l’on a servie à Claude ! J’ai bien fait de m’abstenir !

Tous ces kilomètres avalés en une journée, tout cet argent dépensé en essence que nous prenons en charge (la voiture fait 20 litres au 100 !), toute cette énergie, pour rien ou pas grand-chose, c'est-à-dire pour faire le travail qu’un club aurait dû faire sans nous depuis longtemps et bien avant notre arrivée. Nous ne sommes ici même plus au niveau d’une ligue, mais bien d’un club isolé. Je me rends compte qu’on nous demande de faire un boulot de promotion qui ne dépend pas de nous mais des responsables de clubs et surtout des présidents de ligues régionales. Je comprends bien que le club de Savé ait envie de profiter de notre présence au Bénin, mais si l’on raisonne ainsi, il nous faudrait plusieurs années pour faire le boulot dans toutes les bourgades d’Afrique francophone !

La semaine prochaine, 5 jours sont  à nouveau prévus de visites des régions, et nous devons encore faire en sens inverse le long trajet qui nous mène à Savé. Un bref coup d’œil porté à la carte, comparé à l’expérience que nous venons de faire et qui me permet de me rendre compte des distances, me montre que toute la semaine prochaine sera encore une semaine de route, avec quelques arrêts pour des rendez-vous qui risquent de ne pas être honorés. Une longue semaine qui nous oblige à quitter le Togo, et à revenir à Cotonou à deux reprises, ce week-end et le week-end prochain. Une semaine qui nous prive de la visite de ce pays que l’on annonce comme l’un des plus beaux d’Afrique de l’Ouest.

Ma décision est facile à prendre. Nous laisserons cette tournée régionale aux membres de la  fédération béninoise car le job leur incombe désormais que nous avons remis le matériel. Nous ne sommes pas là pour le livrer nous-mêmes au fin fond du pays. Nous économisons ainsi du temps, de la force et de l’argent.

J’en parle à Claude qui propose que nous en discutions ce soir avec le bureau de la fédé béninoise à Cotonou. La « discussion » n’est pas, à mes yeux, possible. Le bureau, c'est-à-dire le vice-président, ne sera pas d’accord. Il faut argumenter notre départ et l’imposer.

Nous avons déjà beaucoup donné au Bénin. Nous sommes restés 3 semaines au lieu de 8 jours. Durant ces trois semaines, nous n’avons pris qu’un seul week-end à Grand-Popo, quelques heures un dimanche après-midi après la formation pour le village lacustre, et deux heures hier matin pour visiter les palais des rois d’Abomey. Ce voyage ne peut pas être un bagne au service des fédérations africaines et moins encore une manière pour elles de nous faire faire un travail qui ne nous appartient pas et qui vient, sur le terrain, combler leurs carences.

Seul le vice-président de la fédé béninoise est présent à la réunion. Tollé évidemment devant ce que je dis ! Je ne tiens pas mes engagements. C’est vrai, mais eux non plus ne les ont pas tenus. J’ai bien accepté ces tournées régionales à mon arrivée parce que je pensais que c’était une façon sympathique de voyager et de voir du pays, sans me rendre compte de ce qu’on allait m’y faire faire. L’expérience d’une semaine me permet d’ajuster. Le bilan que j’en tire me permet de faire marche arrière. D’ailleurs, rien n’est perdu. Cette tournée promotionnelle peut se faire sans nous, au nom de la fédération béninoise et sous l’égide du Rallye des Mots qui a fourni le matériel. Nous avons déjà visité 4 régions : Atlantique littoral, Ouémé plateau, Mono Couffo et Zou/Collines. Sur les 6 prévues ce n’est pas mal.

Claude n’est pas d’accord et ne me soutient pas vraiment devant le bureau. Nous nous engueulons.
Face aux accusations faciles et quasiment insultantes à mon égard, (je suis colonialiste et méprisante pour la fédération béninoise), je ne me sens pas défendue. Claude cherche une conciliation que je sais par définition impossible.

Des tas d’exemples me sont donnés pour expliquer cette accusation de colonialisme. J’ai travaillé toute la semaine dernière avec Olivier, Eugène et Modeste, pour organiser la tournée internationale sans en rendre compte au vice-président au jour le jour. Là, j’ai pris seule des décisions (qui de mon point de vue ne concernent en rien la fédération béninoise) : modes de transport du matériel par exemple. J’ai imposé la présence de certains à cette tournée, au mépris de la volonté du bureau, qui pensait bien y désigner des représentants officiels, destinés à être présentés aux autres pays comme des leaders de la région. Tout le travail que j’ai effectué depuis trois semaines, avec les bénévoles qui se présentaient chaque matin pour m’aider, m’est reproché comme un travail dont j’aurais dû rendre compte.

J’ai fait en réalité mon boulot du Rallye, le boulot pour lequel m’a mandatée la FISF, sans en référer et ni me soumettre à la volonté de la fédération béninoise ! Non, le Rallye des Mots, dans la globalité du projet qui concerne 7 pays, n’est pas votre affaire, chers amis béninois ! Quand bien même il vous concernerait, puisque vous voulez jouer un rôle prépondérant dans la région, je n’adhère pas aux modes de fonctionnement de votre fédération qui, à mes yeux, relèvent d’une idéologie quasiment stalinienne. Je ne les approuve pas, refuse de les cautionner, car les licenciés et surtout les bénévoles en souffrent terriblement !

Je m’endors certaine aussi d’avoir défendu correctement les intérêts de la FISF en prenant cette décision de quitter le Bénin demain. Même au prix d’un accrochage avec Claude, et d’un conflit avec la tête de la fédération béninoise.