Ce matin la formation débute. J’ai entièrement confiance dans les capacités de Claude à se débrouiller de toute situation, aussi difficile qu’elle soit au plan pédagogique. J’en profite pour prendre un peu le temps de rattraper le retard que j’ai pris dans la rédaction du blog avant de m’apprêter à passer en direct dans une émission de télé sportive !

L’émission, Giga Sports sur la télévision nationale
béninoise, dure 1h30, pendant lesquelles il est question d’athlétisme, de foot, de karaté et de … Scrabble ! Juchée sur un tabouret inconfortable, éclairée par des spots qui diffusent une chaleur dont on n’aurait pas besoin, j’essaie du mieux possible de défendre notre activité comme discipline sportive, d’expliquer le Rallye des Mots. Drôle d’expérience. Je ne verrai pas le résultat.

Claude pendant ce temps tâche de démarrer la formation
. A l’heure dite le matériel n’est pas là, la salle pas encore prête. Nous commençons à avoir l’habitude de ce genre de choses. Les stagiaires sont venus en bus souvent de très loin. Ils sont environ 40, tous scrabbleurs. Les conditions du stage sont difficiles. La salle n’est pas prévue pour tant de monde, et surtout, d’un bâtiment attenant, s’échappe une musique gaie et tonitruante ! Si j’ai bien compris, il s’agirait d’une fête en l’honneur d’une dame que l’on vient d’enterrer ! Pauvre Claude, lui qui a déjà des difficultés d’audition, c’est le mettre à rude épreuve. Le stage est destiné à fournir aux participants, les outils et les idées qui leur permettront de bâtir une initiation au Scrabble en milieu scolaire. Claude, habitué de la chose, a toute une batterie d’exercices à proposer.

Le déjeuner est servi dehors
. Il a été préparé dans des grands récipients par une Béninoise et est délicieux : du riz et du poisson très épicé. Les stagiaires dorment dans un dortoir proche de la salle. Parmi eux, une seule fille. Ils sont contents. Demain, ils recevront un « diplôme » cosigné par la fédération béninoise et la FISF. Claude et moi espérons que ce ne sera pas leur seule récompense, maintenant que nous avons remis le matériel à la fédération béninoise, et que celle-ci saura aussi se montrer reconnaissante et généreuse envers ces jeunes motivés par le Scrabble.

Car bien entendu, le matériel apporté, même si les Béninois ont été favorisés par rapport aux autres pays, n’est pas suffisant pour couvrir tous les besoins, loin s’en faut ! Chacun vient individuellement me voir pour demander telle ou telle chose. Je suis obligée de le renvoyer vers la fédération, et de refuser d’attribuer individuellement des dons. J’espère vraiment que la répartition du matériel sera effectuée en fonction de critères qui tiennent compte du niveau de chacun, et de son degré d’implication dans l’organisation. Les bénévoles en particulier doivent être récompensés, il me semble. Mais, ayant remis le matériel à la tête de la fédé béninoise, nous ne maîtriserons pas cet aspect.

Or les besoins sont immenses ! Le moindre crayon de papier a ici une véritable valeur. Tout ce que l’on peut donner fait plaisir. Il faut voir cela pour se rendre vraiment compte de l’opulence dans laquelle nous vivons et de nos comportements de gaspillage incessants et dans tous les domaines.

Claude et moi en avons assez de Cotonou. Nous avons hâte maintenant de quitter la ville et d’amorcer notre road movie dans la brousse africaine. Si je vivais dans ce pays, je fuirais cette ville. Elle est trop dure. Hier, sur le plateau de télévision, je remarquais que toutes les personnes présentes ont les yeux terriblement irrités et rouges. Ce sont certainement les vapeurs d’essence que l’on respire ici qui produisent des conjonctivites permanentes.

Vivre dans la misère est une chose, mais la misère des villes est bien pire que celle des campagnes. En face de notre maison vit une famille avec une kyrielle d’enfants en bas âges, nus toute la journée. Leurs têtes sont couvertes de poux qu’ils grattent sans arrêt. Ils n’ont pas l’électricité, ni probablement l’eau courante. Leurs murs et leur toit sont faits de tôle ondulée. Ils doivent crever de chaud là dedans. D’ailleurs combien sont-ils ? Difficile de savoir.