Je suis désormais habituée aux rendez-vous approximatifs, qui se déroulent plus ou moins tout de même, au forcing et à la dernière minute, faute d’avoir été mis par écrit sur le moindre des agendas. A ceux aussi qui n’ont pas lieu, parce que leur organisation au dernier moment n’est finalement pas possible. A ceux enfin qui ne sont purement et simplement pas honorés par nos interlocuteurs, alors qu’ils avaient été fixés au préalable, ceux dont les annulations par téléphone n’ont pas été enregistrées, ceux dont les dates notées ne sont pas les bonnes, dont les confirmations attendues par ceux qui nous reçoivent n’ont pas été faites. Etc.
Je suis rodée aux plannings farfelus que l’on me présente à mon arrivée, et qui prévoient que je reste sur place, non pas 8 jours comme cela a toujours été dit, mais deux ou trois semaines. (Ce qui, tout le monde le comprendra, est une absolue impossibilité dans le cadre d’une tournée de trois mois devant aller à la rencontre de 7 pays !) J’ai déjà eu l’expérience des plannings qui me suppriment toutes les périodes de tourisme que je devrais m’accorder, de ceux qui prévoient de me faire faire des allers-retours en dépit du bon sens parce que le carburant des kilomètres parcourus n’est pas pris en considération par les gens qui les conçoivent, de ceux qui mettent la charrue avant les bœufs, etc.
Rien ne m’est plus familier que les retards dont chacun a une bonne explication. Untel a subi une panne de voiture. L’autre a été malade. Le troisième, un deuil dans sa famille. Que de malheurs à chaque fois ! Toujours est-il que je sais aujourd’hui que 8 heures veut dire 9 heures, si ce n’est pas 10 ou 11. Que demain veut dire plus tard, mais on ne sait pas trop quand. Que tout à l’heure ne veut rien dire du tout. Etc.
Je connais aussi les programmes non anticipés au point de vue de leur mise en place matérielle. Les formations dont on ne sait où elles vont se dérouler, ni quel public elles vont véritablement concerner. Les tournois sans chaises au moment de leur démarrage. Les cérémonies auxquelles ne sont pas conviés les spectateurs potentiels. Les animations où le matériel nécessaire doit se récupérer au dernier moment. Les mises en place dans l’urgence et les bouts de ficelle. Etc.
J’ai partout expérimenté la question des médias que l’on ne pourrait faire venir à nos opérations, sous le prétexte qu’en Afrique il faudrait les payer, sans même qu’un travail préalable de rencontre, d’explication et d’argumentation ait été effectué avec chacun d’eux pour savoir sur quoi et comment on pourrait les intéresser. Les émissions de télévision en direct auxquelles je suis conviée, et auxquelles on arrive en retard sur le plateau devant un animateur terrorisé qui a déjà parlé de nous à l’antenne, et ne sait pas s’il va s’en sortir !
Bref, je devrais donc être vaccinée, non ? Et, bien je ne le suis toujours pas ! Je souffre à chaque fois, plus qu’il n’est de raison. Je ne parviens pas à cacher ma colère, ma déception. Je me comporte comme si la mésaventure m’arrivait pour la première fois, et je ne peux garder mon calme, comme je sais si bien le faire pourtant dans les situations difficiles qu’il faut gérer et qui ne dépendent que de moi : les pannes de voiture, les problèmes financiers, les questions d’inconfort, etc. C’est que les hommes (les humains je veux dire !) me fatiguent ! Que j’espère sans doute trop d’eux. Que je suis confiante jusqu’à la naïveté.
Les lecteurs auront donc compris à quel point le travail à Ouaga m’est difficile. Difficile aussi pour moi d’admettre ce réflexe permanent de reporter la faute sur l’autre, et de ne pas remettre en cause ses propres modes de fonctionnement.
Oui, je sais, ce n’est pas faute de bonne volonté de la part de ceux qui agissent et qui sont bénévoles. Ce n’est pas faute d’énergie déployée par une petite minorité à qui on devrait être redevable. Mais lorsque tant d’efforts n’aboutissent à rien, j’éprouve un sentiment terrible de gâchis. Le sentiment d’un gaspillage de temps, d’argent, et surtout de motivation. La mienne en tous les cas s’érode, et si je n’écoutais que mon désir premier, je prendrais les jambes à mon cou, je planterais là ceux qui ne jouent pas le jeu, ou le jouent si mal qu’il faut faire semblant !
Car c’est ce que nous sommes en train de faire à Ouagadougou. Quelques exemples : depuis 3 jours que nous sommes là, nous n’avons rencontré que quatre joueurs burkinabés. Existent-ils vraiment ces scrabbleurs à fédérer ? Ils sont paraît-il une trentaine, encore jamais vus et conviés demain à une cérémonie de démarrage du Rallye. Simulacre de démarrage puisque nous sommes jeudi en plein dedans ! Le lendemain, vendredi, c’est la cérémonie de clôture qui est prévue ! C’est rapide n’est-ce pas ? Alors que le Rallye va paraît-il se poursuivre encore une semaine après notre départ, puisque les burkinabés l’ont prévu sur quinze jours ! Simulacre à nouveau de remise du matériel le vendredi, puisque les responsables l’ont reçu depuis plus de 5 jours, et qu’il sera utilisé la veille pour le tournoi en simultané ! Nous faisons semblant pour les médias qui sont censés être là, pour le parrain (l’ancien Ministre si bien disposé à notre égard dont j’ai parlé plus haut), le Ministère de la Jeunesse et des Loisirs… Je crains de me décrédibiliser, et la FISF avec moi, vis à vis des quelques responsables qui paraissent d’ores et déjà engagés dans le soutien au Scrabble burkinabé.
Ici, je dois reconnaître que l’absence de fédération de Scrabble constituée aggrave encore les choses. Les trois personnes impliquées dans la préparation du Rallye sont bien seules, et absolument pas rodées à une quelconque organisation de notre activité. Elles improvisent, fortes de leur bonne volonté, mais cela ne suffit pas. Comment espérer dans ces conditions qu’une fédération puisse se mettre en place ? Tant qu’un scrabbleur organisé miraculeux ne se fera pas jour, comme bénévole et comme leader, pour conduire l’immense travail qui aboutira à la création d’une structure au Burkina, ce ne sera pas possible. Le Rallye des Mots était peut-être prématuré au Burkina. Il pousse en avant un petit groupe de gens pas préparés à mon sens aux responsabilités qui les attendent, et les confrontent à des autorités avant d’être véritablement aguerris.
Désolée pour les copains ivoiriens qui sont venus jusque là et qui se montrent très fair-play. Ils ont une patience que je n’ai pas. L’Afrique va sans doute m’améliorer dans ce sens, mais je crois que jamais je n’arriverai à la cheville d’un africain de ce point de vue ! Tant pis pour moi, puisqu’apparemment cela me fait souffrir plus qu’eux !
Alors un effort, ma vieille, pour être un peu plus positive !
D’accord…
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Ce matin, je parviens contre vents et marées, et malgré mon énervement, à dispenser quelques heures de formation à l’animation scolaire, et à faire passer mon message d’une approche pédagogique progressive de notre jeu auprès des enfants. L’après-midi, enfermée dans ma chambre sans mettre un pied dehors, pas même pour aller à la piscine, j’évite la fournaise des rues de Ouagadougou, même pour une marche de quelques minutes, et je me régénère dans ma sieste climatisée. Dans le courant de la soirée enfin, malgré une heure de retard, nous parvenons à nous réunir, le comité burkinabé, Olivier, Joseph de la fédé béninoise et moi, pour préparer les jours à venir, comme il faut le faire, c'est-à-dire dans les objectifs à poursuivre, dans la logique d’une chronologie, dans le détail des interventions de chacun et dans la préparation matérielle nécessaire à chaque étape du planning.
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« In extremis vaut mieux que pas du tout ! » Voila ce que sera ma nouvelle devise si je veux dormir cette nuit !