Les nouvelles sont excellentes ! D’abord, ça y est, Modeste sait nager ce matin ! Lui qui avait vu un ami se noyer sous ses yeux en piscine, et ne voulait plus entendre parler de l’eau, flotte désormais tranquille, et avance même avec des mouvements à peu près cohérents, qu’il achève par un grand rire de joie ! Cela semble le consoler de ne pas avoir vu de lion dans le parc de la Pendjari !


Matinée technique, comme souvent. C'est-à-dire connexion Internet, permettant en une heure de lire 5 messages sur 25 ! Nettoyage de la voiture complètement recouverte de terre rouge, extérieur comme intérieur. Et banque, où arrive le virement Western Union de ma fille qui nous sauve, et nous permet de quitter le Bénin dans l’après-midi. Je m’organiserai autrement pour les prochains voyages.

Voilà ! Nous sommes partis pour le Burkina. La chaleur s’accroît de kilomètres en kilomètres, et il devient impossible de rouler toutes fenêtres ouvertes. La route, et encore la route. C’est tout l’après-midi que nous roulons, et la circulation se fait de plus en plus rare au fur et à mesure que l’on approche de la frontière, que nous franchissons sans problème.

Le spectacle du Burkina Faso dans cette partie de l’extrême est du pays est édifiant. La savane s’assèche toujours davantage. Les cours d’eau sont totalement à sec et la terre de leurs rives craquelée. Les arbres sont très parsemés et comme brûlés par le soleil. Seuls de rares manguiers offrent encore un peu de verdure et d’ombre de temps en temps. Les villages sont minuscules et ne comprennent que quelques groupes de ces habitations de terre, devant lesquelles des réserves à grains de jolies formes ovales, aux pieds travaillés et aux couvertures de chaume coniques, assurent la survie des familles pendant cette saison sèche qui est en train de se terminer. La chaleur est telle que l’on voit peu d’êtres humains dehors. Nous ne croisons que des bergers, à la tête de troupeaux de bœufs horriblement maigres. Des chèvres tentent de brouter quelque chose dans les ravins du bas-côté de la route. Des singes la traversent. Le goudron, fondant sous le soleil, miroite et ce sont autant de mirages d’un peu d’eau vers lesquels la voiture avancerait sans jamais les atteindre.


Comment les hommes peuvent-ils vivre dans un tel environnement ? On ne voit aucune culture possible ici. Un peu d’élevage oui, mais que peuvent bien manger les bêtes ? On imagine que seuls des fauves peuvent être à l’aise dans de pareilles conditions. Les vautours aussi, qui sont présents partout, y compris dans les villes, attendant la mort de quelque bête affamée ou épuisée.

La route s’offre à nous, plate, rectiligne et déserte. Nous ne croisons que très peu de véhicules particuliers, et de temps en temps quelques bus bondés portant sur leur toit un incroyable fourbi, dans des équilibres qui paraissent totalement instables. De gros camions transportant des oignons, du coton, sont parfois arrêtés sur les bas-côtés. Le chauffeur s’abrite sous la carrosserie pour une pause un peu ombragée mais certainement torride. Des hommes à vélo à l’approche des villages font preuve d’un courage extraordinaire. Il serait totalement impossible à n’importe lequel d’entre nous de faire un effort physique sous ce soleil.


Nous parvenons en soirée à la première agglomération burkinabé : Fada N’Gourma. C’est une bourgade tranquille où circulent essentiellement des bicyclettes. Quelques arbres au parfum délicieux, des neems embaument l’air. Nous trouvons un hôtel pas terrible, mais qui peut nous permettre de passer la nuit. Ma chambre ressemble à une cellule de prison verdâtre dans laquelle on accède par une porte en fer, et dont l’unique fenestron grillagé donne sur un couloir obscur. Mais nul cafard ni moustique à l’horizon, je vais pouvoir dormir tout de même. Par les ouvertures de la salle de bains on entend jusqu’à une heure du matin la musique tonitruante du « maquis » (bar restaurant) d’à côté, et il ne sera pas question de se plaindre, puisqu’il s’appelle La Patience !

Nous dînons dans un de ces maquis qui donne sur la rue principale. On achète à manger dans des stands qui proposent des poulets ou des carpes grillés que l’on mange avec les mains. De nombreux vendeurs ambulants de mouchoirs en papier ou de cartes de téléphone nous proposent sans cesse leur marchandise. La plupart du temps ce sont des enfants. Deux d’entre eux se régaleront de ce que nous laissons dans nos assiettes. Ces gosses ont faim. Le troisième, handicapé qui ne marche pas mais qui rampe, ne sera pas assez habile pour les rejoindre quand ils partent en vitesse avec notre assiette. Pour ma part, il y a des jours et des jours que je ne peux plus rien avaler le soir. Ce n’est pas grave, nous sommes si gros, si gras, comparés à tous ceux qui nous entourent ici !