J’ai dormi de 15 heures hier après-midi jusqu’à ce matin 7 heures 30 ! Le sommeil peut chez moi s’éterniser lorsque j’en ai besoin. C’est une chance, et grâce à cette capacité à me régénérer je peux avoir une certaine endurance.
Me voilà donc ce matin toute fraîche et propre sur la terrasse de mon bungalow. J’ai tenté un bain dans la piscine pleine d’insectes et non chlorée, un peu à contrecœur, mais l’eau était si bonne que je me suis laissée faire.
Olivier vient de m’appeler de Cotonou. Il n’a pas reçu le virement que je lui ai fait parvenir depuis plus d’une semaine pour prendre le bus avec les marchandises jusqu’à Bamako. Voilà, ça c’est l’Afrique ! L’Afrique qui vous use à force de complications dans tout ce que l’on entreprend. Rien n’est jamais simple ici, et il faut faire preuve d’une incroyable persévérance et détermination pour arriver à quelque chose. La vie dans ces conditions est effroyablement difficile et décourageante. Ces difficultés se rajoutant aux difficultés économiques insurmontables de chacun, on en arrive à un quotidien infernal où il faut en permanence lutter contre les obstacles. Je crois que je l’ai déjà dit, mais la vie africaine est loin de correspondre au stéréotype qu’en ont les occidentaux, une vie de farniente au soleil, où la nature fournirait tout pour être heureux, où les relations entre les gens seraient faciles, où règnerait la décontraction. Non, ici les gens doivent s’activer bien plus encore que chez nous. Les africains dans la vie moderne connaissent un stress que nous ne supporterions pas. Ceci est pour moi une découverte.
Sylvain arrive ce matin avec deux heures de retard ! « Pas de problème, je suis là ! ». Ok Sylvain pas de problème ! Sylvain aussi est fatigué de sa journée d’avant-hier et de dormir dans des taudis. Son patron ne lui donne que très peu d’argent pour son hébergement et sa nourriture. Ce soir à Bafoussam, après trois jours de voyage, il n’a déjà plus rien. Pourtant j’ai payé la nuit d’hôtel de Nkongsamba, le soir de notre naufrage. Heureusement qu’au déjeuner de midi je surviens à ses besoins, sinon il resterait toute la journée sans manger.
Galère matinale habituelle dans un cyber dont les souris ne marchent pas, dont les ports USB sont hors service, qui refuse de joindre quoi que ce soit à un courrier mail, et dont les claviers sont si sales que je tape vraiment du bout des doigts. Je sors toujours de cette épreuve quasi quotidienne énervée et fatiguée de n’avoir pas pu faire mon boulot correctement. Quant à l’envoi de photos, je voudrais m’excuser auprès de mes lecteurs, mais cela est quasiment impossible d’ici, à moins de disposer d’une journée entière, de trouver miraculeusement une connexion à haut débit qui accepte de télécharger un logiciel de traitement des images. Les photos de ce blog seront donc malheureusement insérées pour la plupart après mon arrivée, à moins que Modeste ne puisse s’y remettre, car il a lui, une formule magique que je ne possède pas !
Nous nous rendons à Bafoussam, par une route qui sillonne à travers des collines cultivées dans une terre étonnamment rouge. Les habitations commencent à avoir ces toits coniques (en tôle aujourd’hui et autrefois en chaume), caractéristiques de l’ethnie bamilenke. C’est l’ethnie dominante de l’ouest camerounais, celle qui a encore aujourd’hui la plus grande culture traditionnelle. Dans chaque agglomération, ou quartier, règne une chefferie. Le chef est encore très respecté partout, bien que son pouvoir soit réduit à rendre la justice entre ses sujets sur des questions de droit civil : mariages, divorces, successions, etc. Le chef est polygame comme il se doit. Celui de Banjoun dont nous visitons la chefferie en a actuellement 30, casées dans des petits bâtiments ronds aux toits pointus à proximité de sa résidence royale !
La visite du musée de Banjoun est assez intéressante car les objets présentés sont magnifiques, quoique peu nombreux. La réserve du musée a été incendiée il y a deux ans de façon criminelle, et une grande partie du patrimoine a ainsi disparu. Décrire l’étrangeté de ces objets est difficile tant ils sont porteurs de symboles, de magie, de cultes compliqués qui échappent au simple touriste. Il faudrait vraiment être ethnologue pour y comprendre quelque chose. Mais nul besoin d’être scientifique pour admirer le travail de sculpture sur bois, de tissage avec des perles, de menuiseries revêtues de cauris, de vêtements faits d’écorce d’arbre et de plumes, etc.
Oui, la « magie noire » est toujours bien vivante en Afrique, même chez les personnes les plus occidentalisées, les plus cultivées. Cette culture est présente partout et se mêle aux mœurs modernes sans grande difficulté. C’est très curieux. On semble s’arranger ici de tout : le christianisme va de pair avec l’animisme et ne se font pas la guerre ; le désir d’occidentalisation et de modernisme côtoient celui du respect profond des traditions ; la foi et la superstition s’entendent bien ; les musulmans ne gênent personne et vivent en bonne entente avec les autres, etc.
Il faut dire aussi que le Cameroun a une spécificité culturelle importante. C’est une véritable mosaïque d’ethnies, de langues, et de cultures différentes. D’après mes informations on compterait 250 ethnies et 160 langues différentes dans le pays ! Un modèle de multiculturalisme comme on aimerait bien en voir plus souvent.
Bafoussam est une ville difficile qui grouille de monde. Les rues sont totalement défoncées. Y circuler fait penser à un circuit d’autos tamponneuses. La misère y est grande. L’anarchie totale : aucun nom de rue, aucune indication de direction, aucun panneau indiquant un sens interdit, etc. Sylvain ne la connaît pas bien, et comme la ville est construite sur des collines il est très difficile de s’y repérer. Nous errons ce qui me semble des heures pour trouver une banque avec un guichet de carte Visa, et pour retrouver le soir le chemin de mon hôtel. La fraîcheur des montagnes de Dschang est loin. Il fait à nouveau torride.
Je me sens lasse. C’est un sentiment que je connais bien en voyage. Il survient au bout d’un certain temps. Celui de ne plus avoir envie de regarder quoi que ce soit. D’avoir envie de ne plus bouger. D’être rassasiée de paysages et d’insolite. Rassasiée de misère aussi. Au bout d’un moment, quand on s’y est habitué et qu’elle n’a plus ce caractère pittoresque qu’elle sait revêtir aux yeux des occidentaux, la misère fatigue. On n’a plus envie de la voir. Tout cela dans le brouhaha infernal des villes dont les échoppes ressemblent à des taudis, d’où s’échappe une musique à très fort volume, et qui se veut dansante, gaie… Je ne trouve pas que cette gaieté siée à la ville ni à ses habitants. Elle n’est là que pour les étourdir. Sur les visages, il y a souvent une grande gravité, un air de souffrance et de résignation qui en dit long. Personne n’a envie vraiment de danser sur ce qu’il entend dans les rues de Bafoussam.
Je crois que ce soir encore je vais me coucher très tôt. Un coup de blues. Cela peut arriver, non ?
Me voilà donc ce matin toute fraîche et propre sur la terrasse de mon bungalow. J’ai tenté un bain dans la piscine pleine d’insectes et non chlorée, un peu à contrecœur, mais l’eau était si bonne que je me suis laissée faire.
Olivier vient de m’appeler de Cotonou. Il n’a pas reçu le virement que je lui ai fait parvenir depuis plus d’une semaine pour prendre le bus avec les marchandises jusqu’à Bamako. Voilà, ça c’est l’Afrique ! L’Afrique qui vous use à force de complications dans tout ce que l’on entreprend. Rien n’est jamais simple ici, et il faut faire preuve d’une incroyable persévérance et détermination pour arriver à quelque chose. La vie dans ces conditions est effroyablement difficile et décourageante. Ces difficultés se rajoutant aux difficultés économiques insurmontables de chacun, on en arrive à un quotidien infernal où il faut en permanence lutter contre les obstacles. Je crois que je l’ai déjà dit, mais la vie africaine est loin de correspondre au stéréotype qu’en ont les occidentaux, une vie de farniente au soleil, où la nature fournirait tout pour être heureux, où les relations entre les gens seraient faciles, où règnerait la décontraction. Non, ici les gens doivent s’activer bien plus encore que chez nous. Les africains dans la vie moderne connaissent un stress que nous ne supporterions pas. Ceci est pour moi une découverte.
Sylvain arrive ce matin avec deux heures de retard ! « Pas de problème, je suis là ! ». Ok Sylvain pas de problème ! Sylvain aussi est fatigué de sa journée d’avant-hier et de dormir dans des taudis. Son patron ne lui donne que très peu d’argent pour son hébergement et sa nourriture. Ce soir à Bafoussam, après trois jours de voyage, il n’a déjà plus rien. Pourtant j’ai payé la nuit d’hôtel de Nkongsamba, le soir de notre naufrage. Heureusement qu’au déjeuner de midi je surviens à ses besoins, sinon il resterait toute la journée sans manger.
Galère matinale habituelle dans un cyber dont les souris ne marchent pas, dont les ports USB sont hors service, qui refuse de joindre quoi que ce soit à un courrier mail, et dont les claviers sont si sales que je tape vraiment du bout des doigts. Je sors toujours de cette épreuve quasi quotidienne énervée et fatiguée de n’avoir pas pu faire mon boulot correctement. Quant à l’envoi de photos, je voudrais m’excuser auprès de mes lecteurs, mais cela est quasiment impossible d’ici, à moins de disposer d’une journée entière, de trouver miraculeusement une connexion à haut débit qui accepte de télécharger un logiciel de traitement des images. Les photos de ce blog seront donc malheureusement insérées pour la plupart après mon arrivée, à moins que Modeste ne puisse s’y remettre, car il a lui, une formule magique que je ne possède pas !
Nous nous rendons à Bafoussam, par une route qui sillonne à travers des collines cultivées dans une terre étonnamment rouge. Les habitations commencent à avoir ces toits coniques (en tôle aujourd’hui et autrefois en chaume), caractéristiques de l’ethnie bamilenke. C’est l’ethnie dominante de l’ouest camerounais, celle qui a encore aujourd’hui la plus grande culture traditionnelle. Dans chaque agglomération, ou quartier, règne une chefferie. Le chef est encore très respecté partout, bien que son pouvoir soit réduit à rendre la justice entre ses sujets sur des questions de droit civil : mariages, divorces, successions, etc. Le chef est polygame comme il se doit. Celui de Banjoun dont nous visitons la chefferie en a actuellement 30, casées dans des petits bâtiments ronds aux toits pointus à proximité de sa résidence royale !
La visite du musée de Banjoun est assez intéressante car les objets présentés sont magnifiques, quoique peu nombreux. La réserve du musée a été incendiée il y a deux ans de façon criminelle, et une grande partie du patrimoine a ainsi disparu. Décrire l’étrangeté de ces objets est difficile tant ils sont porteurs de symboles, de magie, de cultes compliqués qui échappent au simple touriste. Il faudrait vraiment être ethnologue pour y comprendre quelque chose. Mais nul besoin d’être scientifique pour admirer le travail de sculpture sur bois, de tissage avec des perles, de menuiseries revêtues de cauris, de vêtements faits d’écorce d’arbre et de plumes, etc.
Oui, la « magie noire » est toujours bien vivante en Afrique, même chez les personnes les plus occidentalisées, les plus cultivées. Cette culture est présente partout et se mêle aux mœurs modernes sans grande difficulté. C’est très curieux. On semble s’arranger ici de tout : le christianisme va de pair avec l’animisme et ne se font pas la guerre ; le désir d’occidentalisation et de modernisme côtoient celui du respect profond des traditions ; la foi et la superstition s’entendent bien ; les musulmans ne gênent personne et vivent en bonne entente avec les autres, etc.
Il faut dire aussi que le Cameroun a une spécificité culturelle importante. C’est une véritable mosaïque d’ethnies, de langues, et de cultures différentes. D’après mes informations on compterait 250 ethnies et 160 langues différentes dans le pays ! Un modèle de multiculturalisme comme on aimerait bien en voir plus souvent.
Bafoussam est une ville difficile qui grouille de monde. Les rues sont totalement défoncées. Y circuler fait penser à un circuit d’autos tamponneuses. La misère y est grande. L’anarchie totale : aucun nom de rue, aucune indication de direction, aucun panneau indiquant un sens interdit, etc. Sylvain ne la connaît pas bien, et comme la ville est construite sur des collines il est très difficile de s’y repérer. Nous errons ce qui me semble des heures pour trouver une banque avec un guichet de carte Visa, et pour retrouver le soir le chemin de mon hôtel. La fraîcheur des montagnes de Dschang est loin. Il fait à nouveau torride.
Je me sens lasse. C’est un sentiment que je connais bien en voyage. Il survient au bout d’un certain temps. Celui de ne plus avoir envie de regarder quoi que ce soit. D’avoir envie de ne plus bouger. D’être rassasiée de paysages et d’insolite. Rassasiée de misère aussi. Au bout d’un moment, quand on s’y est habitué et qu’elle n’a plus ce caractère pittoresque qu’elle sait revêtir aux yeux des occidentaux, la misère fatigue. On n’a plus envie de la voir. Tout cela dans le brouhaha infernal des villes dont les échoppes ressemblent à des taudis, d’où s’échappe une musique à très fort volume, et qui se veut dansante, gaie… Je ne trouve pas que cette gaieté siée à la ville ni à ses habitants. Elle n’est là que pour les étourdir. Sur les visages, il y a souvent une grande gravité, un air de souffrance et de résignation qui en dit long. Personne n’a envie vraiment de danser sur ce qu’il entend dans les rues de Bafoussam.
Je crois que ce soir encore je vais me coucher très tôt. Un coup de blues. Cela peut arriver, non ?