C’était une journée marathon, marathon de la promotion du Scrabble, avec deux collèges visités ce matin, prêts à accueillir des clubs scolaires et à proposer aux enseignants des outils pédagogiques scrabblesques, puis une attente auprès du Délégué à la Présidence de la République qui n’a finalement pas pu nous recevoir pour cause de visite impromptue du Premier Ministre, et enfin une heure d’émission radio. Nous courons d’un rendez-vous à l’autre, mais toujours en voiture, ce qui est confortable surtout quand elle est climatisée comme celle de Martial. Lorsque j’en sors, mes lunettes glacées s’embuent immédiatement sous l’effet de la chaleur, torride à certaines heures de la journée.

Mes amis camerounais mettent les bouchées doubles, voire triples, maintenant qu’ils se sentent sur un nouveau départ. Ils voudraient tout embrasser d’un coup et font preuve de beaucoup d’enthousiasme et d’optimisme. C’est un vrai plaisir pour moi de travailler dans une ambiance si positive, avec des gens qui y croient et qui sont si avides de tout apprendre et de tout entreprendre. J’ai le sentiment que mes conseils dans tous les domaines sont vraiment attendus et entendus. Georges en particulier ne rate pas une occasion de m’observer et de noter comment je m’y prends, pour expliquer, pour convaincre, pour animer, etc. C’est très gratifiant et encourageant, si bien que les journées les plus longues me paraissent finalement bien courtes.

Le Directeur du lycée français de Douala que nous rencontrons en premier, ne paraît pas très convaincu de l’introduction du Scrabble dans les activités scolaires. Il veut bien essayer… C’est un français, et comme tous les français il doute, n’y croit pas beaucoup ! A l’inverse, la Directrice du collège Chevreul, Sœur Gertrude, nous remercie chaleureusement d’avoir choisi son établissement pour y implanter les activités de Scrabble, estime que c’est Dieu qui nous a mis sur son chemin et nous offre une collation et des Coca Cola qu’elle bénit pour nous ! Je vois là toute la différence entre deux cultures : la nôtre, celle de la surabondance, qui génère des attitudes blasées, et celle de l’Afrique, où tout est opportunité à saisir, tout ce qui se présente est une chance à ne pas laisser échapper.

Nous avons tout de même eu le temps d’une salade à midi et d’une bière au bord du fleuve dans une guinguette très sympa, avec vue imprenable sur l’estuaire du port de Douala. Cette ville est immense, bien plus grande que Cotonou ou Lomé, avec ses trois millions d’habitants. Le centre ville est assez délimité avec une volonté de modernisme qui date un peu et surtout, qui n’est pas du tout entretenue. Douala n’est pas comme Lomé en bordure de mer, et il faut faire quelques kilomètres au nord ou au sud pour aller sur l’Atlantique. Au sud surtout, les plages sont paraît-il magnifiques, mais je n’aurai sans doute pas le temps de m’y rendre. J’ai bien profité du balnéaire au Togo, et fais plutôt le choix de visiter la partie ouest du pays, la plus traditionnelle, la plus culturelle aussi au point de vue ethnique, et la plus montagneuse donc fraîche.

L’émission radio est marrante à faire, car nous sommes 4 à être interviewés en même temps : Micky le futur président, Jojo le futur Secrétaire général, et Martial Junior le futur directeur de la communication. Le présentateur un peu frimeur nous fait parler entre deux tubes africains sur lesquels l’homme à la régie se trémousse inlassablement ! Le lieu est vétuste mais bien équipé. Nous parlons à tour de rôle du dernier tournoi comme s’il s’était agi d’un évènement sportif de grande importance. On pourrait s’y croire ! Les dix dernières minutes sont consacrées à un jeu sur les finales. Le Président gagne. L’honneur est sauf !

La ville grouille toute la journée. La circulation n’est pas particulièrement malodorante, mais épouvantablement non réglementée. Personne ne respecte les feux rouges. Si on les respecte, me dit-on, inutile de croire que l’on  va avancer ! Les trous dans la chaussée obligent les voitures à réaliser de véritables slaloms. Les motos se faufilent partout et n’importe comment, y compris à contresens. Une charrette de vendeur de bananes peut inopinément se retrouver face à votre véhicule sur une voie à sens unique ! Impressionnant et très dangereux. J’ai eu peur aujourd’hui en voiture. C’est comme si la vie humaine n’avait pas de prix. La Mercédès dans laquelle je circule frôle les jambes des motocyclistes qui ne s’en offusquent nullement. Dans les virages, on est à quelques centimètres de quelqu’un qui est assis là sur le trottoir ou en pleine chaussée, et ne bouge pas en voyant le véhicule arriver sur lui ! Je ne sais pas combien de morts par an il doit il y avoir dans cette ville, mais c’est sûrement considérable. Les Camerounais ne semblent avoir aucune conscience des dangers de la circulation routière.

Finalement, je suis assez contente de partir demain en bus pour Yaoundé  avec toute la délégation ! Les routes camerounaises ne m’attirent pas beaucoup ! En revanche, du point de vue de la sécurité politique, Douala ne porte pas de signes visibles des évènements récents qui ont tout de même fait une centaine de morts. La ville s’écoule sans problèmes. La présence policière et de l’armée ne se font pas sentir du tout. Comme si rien ne s’était passé.

Enfin, pour rassurer tous ceux qui estimaient que je ne reviendrai probablement pas vivante d’Afrique, je peux assurer que ceux qui m’entourent ici comme ailleurs prennent grand soin de moi. Jamais un seul instant je ne me suis sentie en insécurité. Le seul fait de me balader avec des autochtones suffit à me faire parfaitement respecter. On me regarde un peu avec curiosité, mais personne ne m’aborde. Ma sacoche avec mon ordinateur est toujours étroitement surveillée, si bien qu’elle ne me crée aucun souci.  

Alors, heureuse ? Ben oui ma foi, ça ne va pas mal !