La journée fut douce. Nous quittons Lomé ce matin pour le lac Togo, grand lac salé situé entre terre et mer. L’eau est ici paisible et clapote sur des rivages de sable blanc, où des cocotiers étalent une ombre bienfaisante. Une pirogue nous conduit jusqu’à Togoville, localité de 8500 habitants située au fond du lac, berceau du culte vaudou. La piste est sans cesse inondée, et on ne peut y aller par voie terrestre. Modeste, Prince et moi goûtons ce moment de pur bonheur pendant lequel nous glissons silencieusement sur l’eau, au rythme de la pagaie que manœuvre notre piroguier. La traversée dure environ 20 minutes. De grosses nasses flottent sur la surface du lac tranquille. Les paysages sont magnifiques. Partout sont cachés des fétiches que les habitants viennent prier selon leur spécialité.

Nous approchons de Togoville, construite sur une colline au milieu de laquelle trône une grosse église. Le pape Jean Paul II serait venu ici célébrer une messe. Togoville est une bourgade historique du Togo, ancienne capitale, aujourd’hui bien délabrée. C’est de là que sont partis des esclaves pour Haïti, ce qui explique que le culte vaudou, prédominant ici, se soit propagé si loin. La maison aux esclaves n’offre plus que des murs en ruine au milieu desquels jouent des enfants en haillons. Un roi existe toujours. On peut voir la salle dans laquelle, du haut de son trône vétuste, il rend la justice chaque semaine. Malgré son état d’abandon, la petite ville garde un charme fou et dégage l’impression d’une vie très paisible et heureuse.

Nous quittons le lac Togo en plein cagnard pour nous acheminer vers le Bénin d’où je pars ce soir au Cameroun. Nous prenons le temps de faire des détours par les pistes du bord de mer où s’échelonnent des hameaux de pêcheurs. La mer est ici très forte, et ce métier doit être extrêmement dangereux. Halte au magnifique Awalé Plage où Claude et moi avions passé quelques jours au début de notre séjour. Le temps de retrouver sur la plage la serveuse du bar, Rose, jolie jeune femme bavarde, souriante et coquine ! Bref, un retour sur Cotonou par le chemin des écoliers.

Lorsque nous approchons de la ville, la circulation redevient infernale. Je retrouve les fameux zems chevauchés par trois ou quatre personnes, plus quelques ballots, coincés on ne sait comment ! Les camions en provenance du Burkina et du Niger, se traînent lourdement vers le port de Cotonou. Quelle agitation malodorante !

Nous aurons le temps avant de prendre mon avion de nous rendre au Hall des Arts où justement ce soir, par pur hasard, se tient une réunion de la fédération béninoise. Le temps de dire bonjour à tous, et d’embrasser le vice-président. Il paraît que le Ministre de la Jeunesse voulait absolument me voir pendant que j’étais au Togo. Que les médias me réclamaient ! Bref, tout ce qui n’a pas été possible lors de mon séjour de 3 semaines, le devenait soudain dès que j’avais le dos tourné !

Longue attente dans cet aéroport pour prendre le Boeing d’Afriqiyah qui me conduit en 1h30 à peine à Douala. Là, en plein milieu d’une nuit chaude et humide, Claude et Georges, les deux ténors de la fédération camerounaise de scrabble, m’attendent, armés d’un fonctionnaire qui me permet immédiatement de sortir de l’aérogare sans aucune formalité ! A l’extérieur, ils sont une bonne quinzaine à m’attendre avec une pancarte joliment décorée du logo du Rallye. Je serre de très nombreuses mains. On me dit des noms que je ne retiendrai pas… Je suis un peu déboussolée et endormie ! Il est plus d’une heure du matin.

On me conduit en Mercédès climatisée chez Martial, où je vais loger quelques jours dans une jolie chambre aux rideaux vert pomme, celle du petit garçon de la maison. Je m’écroule très vite dans un sommeil profond sous le ventilateur tout proche de moi que je dirige très exactement sur ma tête. Dehors la pluie bat son plein. Demain debout 6 heures, car mes amis camerounais m’ont déjà prévu pour la seule matinée, une interview radio, une visite de lycée, une assemblée générale ! J’ai l’impression qu’on brûle les étapes et que je ne vais pas me reposer tous les jours, mais attendons demain ...