C’est la première fois que je prends un peu de retard dans la rédaction de ce blog. Les lecteurs auront compris qu’il s’agissait de jours de détente et que, lorsque je me détends, je commence déjà par me taire !

Il faut néanmoins que je dise quelques mots de la balade du 6 mars sur le plateau de Danyi. Magnifique incursion dans les campagnes profondes du Togo où l’on peut observer les villages de pisé rouge, au centre desquels se trouvent des paillottes permettant de se regrouper un peu au frais. Dans les hameaux, traînent des chèvres un peu maigrichonnes, des enfants souvent en haillons. Sur notre passage on crie « yovo », le blanc, et on demande souvent des cadeaux. Certains permettent gentiment qu’on prenne des photos, et se contentent du bonheur de se voir à l’écran.

La végétation sur ces plateaux est typiquement tropicale, mais très desséchée en cette période de fin de la grande saison sèche. Partout, et surtout dans les cimetières, fleurissent des frangipaniers merveilleusement odorants. Les morts ont bien de la chance ici ! Les premières pluies commencent à se produire, des pluies chaudes et brèves après lesquelles la terre exhale une forte odeur d’humus. La terre qui absorbe immédiatement cette eau bienfaisante, c’est un plaisir, de parfums et de lumières magnifiques.

La route est totalement défoncée, et notre Prince doit se faufiler entre les nids de poule. Nous progressons très lentement jusqu’à Atakpamé, notre halte de ce soir, à laquelle nous ne parvenons que la nuit tombée. Notre hôtel est dans le noir. Nous visitons notre chambre à la torche. Mais nous commençons à avoir l’habitude et ne nous affolons pas ! Longue errance enfin dans la ville, bondée de monde, de monde noir, habillé souvent de sombre, en vélos ou en motos sans feux ! J’ai l’impression que c’est un miracle de ne pas écraser quelqu’un !

Tôt le lendemain, nous repartons sur Lomé, chez Nathalie. Diverses courses en ville. De l’argent liquide, si difficile à se procurer avec les plafonds auxquels sont soumises les cartes bancaires. Un billet de retour sur Paris pour Claude qui a confirmé sa décision de rentrer.

C’est que pour faire un tel voyage, il faut des gens un peu spéciaux, dont je suis et dont il n’est pas. Des baroudeurs qui souffrent de très mauvaises conditions, des nomades qui aiment changer de lieu chaque jour et ne sont pas inquiets de ce qu’ils vont trouver le soir, des obstinés ou obsessionnels sur l’objectif qu’ils se sont fixés, des aventuriers qui aiment le risque ou ne le surestime pas. Claude ne fait pas partie de ce monde de cinglés, et les quelques années qu’il a passées au Congo quand il avait 20 ans ne sont pas suffisantes. Chacun son truc, non ? Je comprends parfaitement et n’ai aucune inquiétude à continuer seule, tellement je ne le suis jamais en réalité ! Car ici, la vie reste tribale, qu’on le veuille ou non ! Si nous allons dîner au restaurant nous sommes nécessairement 7. Dans la maison de Nathalie, il ya un passage incessant d’enfants, d’adultes, de visiteurs, d’acheteurs de glace et de scrabbleurs. Dans la voiture nous ne circulons jamais à moins de 5. Etc.

J’éprouve le besoin de quitter la maison de Nathalie à Lomé où nous sommes reçus avec tant de gentillesse et de générosité. Chaque jour les femmes font à manger pour nous. Je me sens mal à l’aise, envahissante et redevable. Je n’aime pas ce sentiment. Nous avions prévu d’y passer deux nuits seulement, et si nous restons chez elles au Togo, nous y serons pour plus d’une semaine. Nous trouvons donc un hôtel au bord de la plage, dans lequel nous nous rendrons dès ce soir après la formation. Et puis, la mer me manque. De m’en sentir si près et de rester en pleine ville me frustre trop. Nos hôtes comprennent.

Aujourd’hui samedi Claude, anime la première séance de formation des animateurs scolaires togolais. Ils sont une quarantaine de jeunes gens, appliqués, bien sages. J’y assiste pour pouvoir démultiplier le cours moi-même dans les autres pays. J’aurai plus de mal avec les questions d’arbitrage qu’avec les questions pédagogiques que mon expérience professionnelle m’a permis maintes fois d’aborder. Le cours est très riche en exemples qui seront faciles à réutiliser.

Les stagiaires appartiennent autant au groupe de Carlos qu’au groupe de Kekeli. Souvent, ils se rencontrent ici pour la première fois ! Carlos et Kekeli découvrent même un jeune homme qui appartient à un club d’une quarantaine de personnes dans Lomé, et qu’ils ne connaissent ni l’un ni l’autre ! Ceci représente un objectif important du Rallye, regrouper des gens qui jouent de façon isolée et leur permettre de rejoindre une structure. Les participants sont calmes, sans doute parce qu’ils ne se connaissent pas encore. L’ambiance est studieuse mais très pas très animée.

Cet après midi ont lieu des Simultanés Panafricains en deux parties. Une bonne occasion de vérifier comment est organisé un tournoi en duplicate ici, comment il est arbitré, etc. Claude, dans sa mentalité suisse d’organisateur parfait, souffrira beaucoup ! Ils sont 45 qu’il doit arbitrer seul, les « aides » que lui fournissent Olivier et Modeste étant très imparfaites. Le tableau perd ses lettres sans cesse. De toute façon la salle est trop vaste pour qu’il soit lisible. Quant aux tableaux effaçables que nous avons apportés, ils sont encore moins lisibles, et les feutres qui les accompagnaient ont mystérieusement disparu ! Les numéros de table sont écrits à la craie sur les tables en bois d’écolier où sont installés les joueurs. Les bulletins réponse leur sont donnés sans avoir été découpés, si bien qu’ils sont très inégaux et voire mal déchirés. Modeste lit la partie pré-tirée. Il n’a pas réglé le chrono de mon ordi sur 3 minutes, et je crois bien que la partie se déroule en semi-rapide ! Il roule les R et j’ai souvent du mal à comprendre le tirage, qu’il ne prend pas systématiquement le soin de répéter avec les appellations réglementaires et qu’il ne situe jamais sur la grille avec les raccords formés. Mais, le championnat a lieu tout de même !


Les joueurs sont de bon niveau puisque, qu’ils appartiennent au groupe de Carlos ou à celui de Kekeli, ils sont tous au-delà de 50%. Le premier finit à – XXX. Un vrai futur champion !


La structure du bureau togolais que nous avons définie la semaine dernière semble avoir très bien tenue le coup et résisté à notre absence de Lomé pendant plusieurs jours. Carlos et Kekeli se rencontrent désormais et préparent les évènements ensemble, sans aucun tension apparente. Demain, dimanche, une grande opération permettra de faire voter les représentants des clubs pour validation du bureau, et sera suivie d’une cérémonie de remise du matériel. Tout cela me réjouit ! Ce sont les retombées très positives du Rallye ici, et cela me remonte considérablement le moral !

La soirée dans notre hôtel de Coco Beach achève ce bonheur ! Je bulle des heures dans la petite piscine avant de boire mon pastis bien frais ! Je m’abîme dans la contemplation de la nuit qui tombe et du port, tout proche, qui s’illumine. Il y a des grues à l’horizon et ceux qui me connaissent savent mon amour pour les grues ! Je dormirai profondément au frais dans cette chambre confortable où l’on entend au loin le roulement de la mer.