Après une bonne nuit bien fraîche et, pour une fois, un petit déj avec pain frais et beurre, Claude et moi partons visiter les palais des rois d’Abomey. Nous trouvons deux zems, très prudents, qui nous conduisent en pleine campagne à travers des chemins sablonneux, avant de s’arrêter sur une place qui devance un bâtiment orné de bas-reliefs : le palais du roi.

A notre plus grande surprise, ici, nul guichet de vente de billets, nul touriste non plus, juste quelques femmes qui passent par là, courbées sous leurs fardeaux de bois et des bambins en haillons qui demandent des bics. Une vieillarde, s’adressant aux zems, indique que nous ne pouvons visiter le palais que si nous avons rendez-vous et que, pour obtenir ce rendez-vous, nous devons le demander au Ministre en personne ! Après maintes négociations, et faisant semblant de rebrousser chemin, on nous propose de revenir sur nos pas : la femme du roi a la clef et peut nous faire visiter !!

Nous ne tardons guère à comprendre notre méprise, à l’aide du guide du Routard que je n’avais pas pris soin de bien consulter avant notre déplacement. Nous ne sommes pas au musée des palais des rois d’Abomey, mais devant le palais d’un roi encore en exercice ! Car les rois ici, bien que nous soyons dans une république démocratique, existent toujours, même si leur pouvoir est désormais réduit à assurer le respect de la tradition.

Le musée, le vrai, est passionnant. Deux palais sont conservés dans lesquels on peut voir des objets de toute beauté et comprendre (si cela est vraiment possible pour nous !) cette époque royale qui dura du 17ème au début du 20ème siècle. Des rois puissants et rivaux se partageaient ce royaume que l’on appelait autrefois le Dahomey. Ils vendaient leurs propres esclaves aux blancs dès que ceux-ci sont apparus, moyennant des canons et autres babioles exposées au musée. On peut voir leurs trônes, leurs tombeaux, leurs armes, leurs vêtements et tenter d’approcher leur culture barbare, où sans cesse des histoires de décapitation alternent avec des histoires d’éventration, de construction de murs avec du sang humain, ou autres horreurs. Le premier ministre du Roi cumulait d’ailleurs sa fonction avec celle de bourreau ! Caractéristique de ce royaume : à la guerre il y avait des femmes, les amazones, choisies pour leur force physique et leur courage. Elles combattaient les ennemis avec hargne, déchirant les gorges avec leurs dents, les éventrant à coups d’ongles, etc…

Les bas-reliefs sont beaux, et les toiles rapportées sur tissu racontent des histoires colorées dans lesquelles, comme dans les bandes dessinées, chaque carré a sa signification. Les salles rectangulaires de pierre rouge se succèdent, et débouchent sur des cours ou des patios, dont chacun était réservé à un usage bien précis. Des manguiers permettent de trouver un peu d’ombre. Ici, plus au nord, la chaleur est encore pire qu’à Cotonou.

Le dernier roi du Dahomey, Benhazin, a combattu avec force contre le colonialisme français, avant d’être déporté en Algérie. Le français, blanc sur tous ces dessins naïfs, est présenté comme l’ennemi suprême. On lui tranche le cou, on le pend, on lui ouvre les entrailles, etc..

Cette ère n’a pas pris fin il y a très longtemps, puisque l’occupation française date de 1900. Or, quand on entend ces histoires, on a vraiment le sentiment qu’il s’agit d’une époque moyenâgeuse.

Notre balade se termine vers 11 heures car notre véhicule arrive pour que nous continuions nos visites officielles. Ce matin encore, un maire nous attend. Cette fois-ci nous parviendrons à le voir. Il faut dire que c’est un ancien scrabbleur !

Puis visite d’une école
où jouent une vingtaine d’élèves à un 10 coups. Enfin, traditionnelle visite au cybercafé où une vingtaine de mails m’attendent chaque jour. La connexion est épouvantable et il me faut 1h30 pour faire ce qui demanderait 20 minutes.

Il est presque 15 heures, sous un cagnard effroyable, quand nous regagnons notre hôtel pour une sieste bien méritée et réparatrice. Je n’aurais pas eu le temps d’avaler quoi que ce soit de la journée.

En soirée est « programmée » une émission de radio, qui, sur intervention du Maire, est devenue émission de télévision locale. Longue attente dans le couloir archi vétuste d’un immeuble un peu glauque. Finalement, l’émission n’aura lieu que demain. Lever donc à 6 heures, car le programme de la journée est encore extrêmement chargé.

Ce soir Claude et moi nous offrons une bouteille de rosé que l’on a pris soin ce matin de faire mettre au frais. Il n’est pas mauvais du tout …